Prince of Persia est sorti il y a 35 ans jour pour jour sur ordinateurs Apple II, lançant par la même une série d'aventure légendaire bien des années avant qu'Ubisoft ne sorte son titre en 2003. La série a connu de nombreuses itérations et nous a conté les histoires d'un réfugié qui devient prince, d'un prince qui devient réfugié (et reprend son trône), et d'un aventurier anonyme qui aide une princesse à sauver le monde. La franchise est revenue en force cette année avec Prince of Persia: The Lost Crown et The Rogue Prince of Persia, deux jeux de plateforme d'action-aventure très différents qui revisitent les origines 2D de la série, ainsi que des détails sur le remake de Prince of Persia: Les Sables du Temps, en cours de développement dans les studios d'Ubisoft Montréal.
Tout au long de son histoire, la série a été définie par ses décors inspirés des Contes des Mille et une Nuits, ses explorations acrobatiques, ses combats palpitants et ses récits initiatiques qui tournent souvent autour des thèmes de l'amour et de temps. Pour célébrer les 35 ans depuis la sortie de Prince of Persia, des créateurs de la franchise nous ont parlé de leurs expériences avec les jeux et de ce que la série signifie pour eux. Nous publierons leurs histoires chaque semaine pendant le mois d'octobre, en commençant par le créateur de la série Jordan Mechner et le jeu classique de 1989.
CI-DESSUS : La jaquette originale de 1989 pour Prince of Persia.
Le premier jeu Prince of Persia raconte l'histoire d'un réfugié qui tombe amoureux d'une princesse et se fait emprisonner par le vizir maléfique de son père, Jaffar. Jaffar s'empare ensuite du royaume et donne à la princesse une heure pour choisir entre accepter de l'épouser ou mourir. Durant ces 60 minutes, les joueurs doivent s'échapper d'un labyrinthe de 12 niveaux rempli de pièges mortels, d'énigmes et de gardes. La mort n'est jamais loin, et en parant au mauvais moment, ou en ratant vos sauts (sur une plaque à pointes montée sur ressort, par exemple), elle se rappellera à votre bon souvenir.
Trouver l'humanité
Prince of Persia se différenciait des autres jeux de 1989, car Jordan Mechner est l'un des premiers développeurs à utiliser la rotoscopie, une technique qui consiste à créer des images animées à partir de prises de vue réelles afin d'obtenir des mouvements plus fluides et réalistes. La fluidité obtenue était légendaire (et d'autant plus impressionnante qu'à la sortie de Prince of Persia, de meilleures machines que l'Apple II existaient déjà).
Cette technique a permis de créer un jeu d'action et de plateforme qui instillait « la peur viscérale qu'en tombant trop bas, on se fasse vraiment mal », affirme Jordan Mechner (qui a détaillé ses expériences de création du jeu dans Replay: Memoir of an Uprooted Family et The Making of Prince of Persia: Journals 1985-1993). Il ne s'agissait pas seulement de créer de l'action et des graphismes réalistes, mais également de capturer l'humanité du personnage.
« C'était important que le personnage soit humain. Il fallait qu'en tant que joueurs, on puisse s'identifier avec l'homme qui court et saute à l'écran », explique Machner, « qu'il passe d'un simple avatar à un être humain en chair et en os. »
CI-DESSUS : Le prince saute vers un garde dans la version pour Apple II de Prince of Persia.
Pour créer cet humain, Jordan Mechner a demandé à son frère, David, qui avait 15 ans à l'époque, de porter d'amples vêtements blancs pour créer un contraste avec son environnement. Il l'a ensuite filmé en train de sauter et de courir dans le parking du Reader's Digest et dans un lycée proche de chez eux, à Chappaqua, dans l'état de New York aux États-Unis. (Selon David Mechner, Jordan avait l'habitude de demander à sa famille de participer à ses créations. Son père, Francis, a par exemple composé la musique de Prince of Persia). David, désormais PDG de la société de technologies Pragma Securities basée à New York, estime que le tournage pour Prince of Persia a duré un ou deux jours pendant lesquels son frère lui a demandé de sauter, d'escalades des murs en béton, et même de se suspendre à un rebord, les jambes dans le vide.
« Je suis resté accroché pendant un moment », se rappelle David. « Je crois que j'ai réussi à remonter, non sans mal, mais je sais qu'il a dû supprimer une partie de la séquence. C'est plutôt drôle, parce que je ne suis pas très athlétique, et je ne l'étais pas non plus à l'époque. »
Jordan ajoute : « Il bougeait de manière cocasse, mais c'était aussi un peu touchant, et on a réussi à le retranscrire, même avec si peu de pixels. Et je pense que ça aide le joueur à former un lien avec le personnage. »
Danger et planning serré
Prince of Persia avait également besoin de suspense. Il fallait que les joueurs aient une raison de ne vraiment pas vouloir que le prince tombe et s'écrase. À cette fin, Jordan Mechner a ajouté un immense sablier, visible dans la chambre de la princesse lors des cinématiques, pour représenter les 60 minutes qu'ont les joueurs pour réussir. L'objectif était de ne pas limiter le nombre de vies des joueurs, tout en sachant qu'ils échoueraient lors de leurs premières tentatives, faute de temps, mais qu'ils réussiraient plus rapidement les premiers niveaux lors des parties suivantes. En outre, les morts dans Prince of Persia étaient incroyablement extravagantes pour 1989. Perdre un combat contre un garde n'était pas spécialement graphiquement explicite, mais si les joueurs ne repéraient pas les trous dans le sol et qu'ils s'élançaient dans un couloir « vide », le prince pouvait finir empalé sur un piège à pointes. Des pièges à loups pouvaient couper le prince en deux, accompagné d'une traînée de pixels orange qui ne laissait aucun doute sur ce qu'il venait de se passer.
CI-DESSUS : Un piège à loups coupe le prince en deux dans la version pour Apple II de Prince of Persia.
« Je me disais que les graphismes un peu cartoons ne seraient pas trop gores, mais aujourd'hui, 35 ans plus tard, les gens me parlent souvent des pointes et de la trancheuse auxquels ils ont succombé quand ils avaient 4, 5, ou 6 ans », affirme Jordan Mechner. Il ajoute qu'il s'est inspiré du temple piégé des 10 premières minutes des « Aventuriers de l'arche perdue ». « J'espère ne pas avoir traumatisé trop de gens, mais... ce sens viscéral du danger lorsqu'on a failli se faire écraser et empaler, ça fait monter l'adrénaline. »
Pendant les quatre années qu'a pris le développement de Prince of Persia, l'Apple II, pour lequel était créé le jeu, est passé de dernier cri à obsolète, et les développeurs craignaient que le jeu soit un échec commercial. « Il a été sauvé par les portages », affirme Jordan Mechner, qui s'occupait de la version PC avec une équipe de chez Broderbund. « On a retravaillé les graphismes, et mon père a réorchestré la musique pour profiter au maximum des capacités des nouveaux PC... Je pense que c'est le portage le plus proche de l'original. »
CI-DESSUS : Le prince échappe à un garde dans la version PC de 1990 de Prince of Persia.
Prince of Persia a été porté sur pas moins de 18 plateformes différentes en plus de l'Apple II. La plupart de ces portages n'ont pas été réalisés par Jordan Mechner ou Broderbund, mais par des équipes dans d'autres pays, parfois même sur des plateformes que Jordan Mechner n'avait jamais vues. Mais ils « étaient super aussi, à leur manière », ajoute-t-il.
« La version japonaise sur Super Famicom est vraiment marquante », commente Jordan Mechner. « Ils ont rajouté des niveaux, de nouveaux environnements et ennemis. C'était presque un remake ou un remaster du jeu original, j'ai adoré. »
CI-DESSUS : Le prince trouve son épée dans la version SNES/Super Famicom de Prince of Persia.
Une heure de jeu, des souvenirs pour la vie
Entre les imitateurs qui ont tenté de répliquer sa formule et les développeurs Ubisoft qui ont créé leurs propres jeux Prince of Persia après avoir découvert le jeu original quand ils étaient enfants, il est difficile d'ignorer l'influence de Prince of Persia. En discutant avec eux de leurs jeux (que nous aborderons dans les semaines à venir), nous avons demandé aux développeurs de nous décrire leur expérience avec le premier jeu.
Mounir Radi, directeur de jeu pour Prince of Persia: The Lost Crown, a découvert le premier opus dans un magasin d'informatique dans laquelle il se rendait avec un ami pour essayer des jeux. « Le responsable était très heureux d'avoir deux joueurs pour promouvoir ses jeux », plaisante Radi. « Je me rappelle avoir été ébahi par l'animation, que je trouvais incroyable. Et on a dû comprendre par nous-mêmes tous les aspects du jeu pour réussir à le terminer en moins d'une heure, on faisait nos propres dessins [pour cartographier les niveaux]. C'était une belle leçon d'autonomie. »
Le responsable de production d'Ubisoft, Martin Schelling, qui a travaillé sur Prince of Persia : L'âme du guerrier, Les deux royaumes, Prince of Persia (2008), et Les Sables oubliés en tant qu'artiste en charge des niveaux, responsable de production graphique, et producteur associé, se rappelle y avoir joué chez un ami et avoir été frappé par les animations et l'environnement. « Quand on travaillait sur Les Sables du Temps, on avait toujours l'opus original comme référence pour nous assurer que les ennemis, les obstacles, et tout le reste respectaient l'univers et les idées du jeu de base », déclare Martin Schelling.
« Lorsqu'on rejoue au Prince of Persia original, il y a bien sûr la rotoscopie, la technique puissante qui apporte de l'intensité au personnage », explique Bio Jade Adam Granger, directrice créative du remake des Sables du temps en cours de développement. « Chaque saut est empli de tension. C'est un élément que l'on retrouve au cours de l'évolution de la franchise, et qui est étroitement lié à l'interaction avec l'environnement. Pour moi, c'est l'une des différences fondamentales entre un jeu de plateforme, où il faut sauter correctement et au bon moment, et Prince of Persia, qui nous ancre complètement dans son monde par le biais du personnage. Cet amour du mouvement crée également une meilleure sensation de vertige qu'un jeu plus mécanique », déclare Bio Jade Adam Granger.
CI-DESSUS : Le prince découvre un piège à pointes dans la version PC de Prince of Persia.
« C'est super de voir tous les documents qu'a retrouvés Jordan », se réjouit David Mechner à propos des journaux et des vidéos que Jordan a conservés lors du développement de Prince of Persia. « Sans ça, on n'aurait eu qu'un vague souvenir de cette époque. »
Mais Jordan Mechner ne s'attribue pas tout le mérite de la création et du succès de Prince of Persia. « C'est un mélange de quelque chose de très ancien, de la culture et des histoires perses qui font partie d'un héritage culturel qui a des milliers d'années. Associées à un élément très nouveau, les jeux vidéo... on obtient une aventure héroïque avec un aventurier intrépide qui nous attire, peu importe le support. J'étais au bon endroit au bon moment pour que ces deux courants se rencontrent », il explique.
Pendant tout le mois d'octobre, attendez-vous à d'autres anecdotes sur la série Prince of Persia, et découvrez Mask of Darkness, le DLC de Prince of Persia: The Lost Crown et les premiers détails sur le remake de Prince of Persia: Les Sables du Temps.
Si certaines des aventures plus récentes du prince vous intéressent, Prince of Persia: Les Sables du Temps, L'âme du guerrier, Les deux royaumes, Prince of Persia (2008), et Prince of Persia: Les Sables oubliés sont disponibles sur PC via l'Ubisoft Store (où ils sont disponibles jusqu'à -80 % pendant les soldes d'automne) et Steam. Tous ces jeux sont également inclus dans l'abonnement Ubisoft+ Premium. The Rogue Prince of Persia est disponible en accès anticipé via Steam et GeForce Now. Prince of Persia: The Lost Crown est disponible sur PC (via l'Ubisoft Store, Epic Games, et Steam), ainsi que sur Switch, PS5, PS4, Xbox Series X|S, Xbox One et Amazon Luna ; arrive bientôt sur Mac ; est inclus dans l'abonnement Ubisoft+ Premium ; et l'Édition Standard est à -40 % sur l'Ubisoft Store jusqu'au 8 octobre.