Fawzi Mesmar, employé d'Ubisoft, récompensé de l'Ambassador Award aux Game Developers Choice Awards

Chaque année, lors de la Game Developers Conference à San Francisco, des développeurs récompensent les jeux exceptionnels de l'année précédente lors des Game Developers Choice Awards. En plus de cela, trois autres prix (le Lifetime Achievement, le Pioneer Award et l'Ambassador Award) sont décernés à des individus. Cette année, c'est à Fawzi Mesmar, vice-président de l'équipe éditoriale, qu'a été décerné l'Ambassador Award. Ce prix récompense une personne qui a contribué à améliorer l'industrie du jeu vidéo, que ce soit en facilitant une meilleure communauté, ou en faisant acte de porte-parole pour les jeux vidéo en dehors de l'industrie.

Au sein d'Ubisoft, F. Mesmar aide les développeurs à faire de leurs jeux une réalité, mais lorsqu'il ne travaille pas, il voyage souvent aux quatre coins du monde pour assister à des conférences où il est invité en tant que mentor, professeur ou directeur créatif. Avant de rejoindre Ubisoft, F. Mesmar a aidé à poser les bases du développement des jeux vidéo dans le Moyen-Orient en écrivant le tout premier livre sur la conception de jeux vidéo en arabe.

En amont de la cérémonie de remise de prix du 20 mars, nous avons pu discuter avec F. Mesmar et en apprendre plus sur ce que représente cette remise de prix pour lui, ce qui le rend le plus fier dans ce qu'il a accompli et la façon dont les développeurs peuvent faire bouger les choses.

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que vous êtes nominé pour l'Ambassador Award ?

Fawzi Mesmar : Ça représente vraiment un honneur pour moi, car je sais comment les nominés sont sélectionnés. Les nominations pour les jeux sont faites par l'International Choice Awards Network (ICAN), un groupe de créateurs de l'industrie du jeu vidéo, dont je fais également partie. Chaque année, nous votons par e-mail et composons notre sélection de jeux pour le prix du jeu de l'année ainsi que pour tous les autres prix, puis nous sélectionnons les candidats pour le Lifetime Achievement, le Pioneer Award et l'Ambassador Award. Il n'y a pas de liste de nominés à défiler, seulement une zone de texte à remplir. Cela signifie qu'afin d'être nominé à ce prix, il y a eu un nombre suffisant de personnes qui ont décidé d'y inscrire mon nom afin que cela dépasse un certain seuil et qu'il soit proposé au comité, qui a donc décidé de me décerner un prix.

Pourquoi a-t-on voté pour vous, à votre avis ?

FM : Ce prix est décerné à des individus qui s'investissent pleinement dans cette industrie, pas seulement durant leurs heures de travail, mais également en dehors. Des personnes qui participent activement à rendre cette industrie meilleure que lorsqu'ils l'ont rejoint. Tout est une question d'impact, et si je repense aux années qui se sont écoulées, je pense que mon travail est très impactant. Je travaille de façon hebdomadaire ou mensuelle avec de nombreux développeurs à travers divers sites au sein d'Ubisoft sur des titres de grande envergure. En dehors du travail, j'essaie vraiment d'aider les autres, car je sais à quel point il peut être important de donner sa chance à autrui et d'aider les personnes qui travaillent dans des territoires desservis à créer des jeux vidéo. Je voyage beaucoup__ :__ je participe à des conférences, je participe à des accélérateurs, j'effectue bénévolement des interventions dans des universités... Je fais toutes ces choses, car elles me tiennent à cœur.

Mon livre, « Al-Khallab on the art of game design », a aussi probablement touché beaucoup de personnes et les a aidées à se lancer dans cette industrie. Ce livre est accessible gratuitement sur le site d'une ONG et il est devenu l'une de leurs formations les plus populaires. C'est une formation d'une semaine sur le design des jeux vidéo en arabe. Plus de 30 000 personnes ont déjà suivi cette formation.

En repensant à tout ce que vous avez accompli, quelle est votre plus grande fierté ?

FM : Ma plus grande fierté est le moment où mon père, qu'il repose en paix, a lu mon livre et, pour la toute première fois, a commencé à comprendre en quoi consiste mon travail. Il n'y avait pas vraiment de ressources disponibles en arabe pour se renseigner là-dessus et j'ai essayé de lui expliquer, mais je pense qu'il n'avait jamais vraiment compris avant cela. C'est un moment que je porterais dans mon cœur à tout jamais. Je revois encore mon père assis, en train de lire mon livre tout en souriant.

Votre travail a grandement aidé à faire avancer l'industrie du développement de jeux vidéo au Moyen-Orient. Selon vous, comment va-t-elle évoluer ces dix prochaines années ?

FM : Cette croissance a été exponentielle. Lorsque je développais mon premier jeu, nous n'étions que huit personnes à travailler en Jordanie et il devait également y avoir une petite équipe en Syrie qui développait un jeu, mais ça s'arrêtait là. Ma carrière m'a emmené en Nouvelle-Zélande puis au Japon, et je suis ensuite revenu brièvement en Jordanie où je me suis retrouvé sur scène devant plus de 800 développeurs et développeurs en devenir lors du septième sommet du jeu vidéo de Jordanie. Sur une période de huit à dix ans, nous sommes passés de 8 personnes à 800 personnes. Désormais, lorsque je retourne au Moyen-Orient pour travailler avec de nombreux accélérateurs, je retrouve une communauté active de développeurs de jeux vidéo dans quasiment chaque pays, et je suis, dans l'ensemble, connecté à chacune d'entre elles. J'y fais des conférences. Je fais partie du jury de la game jam panarabe. À chaque fois que je participe à ces rassemblements, je peux voir que l'engouement général augmente d'année en année. La scène du développement de jeux vidéo est désormais bien établie et il est possible de faire son choix parmi plusieurs entreprises si l'on souhaite y faire carrière.

En 10-15 ans, tout est possible. Le potentiel de croissance est illimité. Qui sait ce qu'il pourrait se passer ? CD Projekt Red était une simple boutique de jeux et ils font désormais partie des développeurs de jeux vidéo les plus populaires au monde tandis que la Pologne est devenue l'une des plus grandes scènes du développement de jeux en Europe. Je pense que le Moyen-Orient est en mesure de suivre cet exemple.

L'industrie fait face à de nombreux défis économiques et sociaux. Que peuvent faire les développeurs pour l'améliorer ?

FM : Je pense que chaque expérience positive que j'ai pu vivre a toujours été grâce à une personne qui est sortie de sa zone de confort et m'a donné ma chance. Si j'ai pu vivre autant de choses au cours de ma carrière, c'est grâce à des personnes qui ont cru en moi. Ils m'ont donné ma chance en me donnant un travail, ils m'ont donné ma chance en me laissant participer à un projet, ou ils m'ont donné ma chance en souhaitant me transmettre leurs connaissances.

C'est lorsque les temps sont les plus durs que je pense que nous devrions en faire encore plus, car on ne sait jamais à quel point le fait de dire à quelqu'un « J'ai ce travail, je pense qu'il te correspond et je veux te donner ta chance » ou « Je travaille sur ce projet et j'aurais besoin d'aide » peut l'impacter. Il nous suffit d'aider les autres pour voir comment cela peut contribuer à créer un monde meilleur pour tout un chacun.

Pour en savoir plus sur Fawzi Mesmar et de son impact au sein et en dehors d'Ubisoft, découvrez notre interview Diriger avec empathie durant le Mois du patrimoine arabe.