Comment le studio derrière Skull and Bones développe une culture de créativité

Quand Ubisoft Singapore a ouvert ses portes en 2008, le studio s’est donné pour objectif de se tailler une place sur la scène mondiale. Depuis, il a joué un rôle prépondérant dans la création de plusieurs jeux importants, dont Ghost Recon Online et tous les titres Assassin’s Creed depuis Assassin’s Creed II. Aujourd’hui, c’est le plus grand studio AAA en Asie du Sud-Est. Ubisoft Singapore se trouve notamment derrière les innovations apportées aux mécaniques navales et de combat d’Assassin’s Creed Black Flag, qui ont mené au développement d’une toute nouvelle franchise basée sur l'imaginaire de la piraterie : Skull and Bones. Toutefois, le studio n’a pas toujours eu le vent dans les voiles : créer un tout nouveau jeu est aussi difficile que motivant, et le studio a veillé à mettre en place un environnement de travail dans lequel toutes ses équipes pourraient s’épanouir.

Darryl Long, le directeur général d’Ubisoft Singapore, s’est entretenu avec Ubisoft News afin de nous expliquer comment le studio a abordé ces défis, investi dans sa culture et établi une vision à long terme permettant aux employés de créer d’excellents jeux.

À quoi ressemblait la culture d’Ubisoft Singapore à ton arrivée?

Darryl Long : Je suis arrivé à Singapour en janvier 2021, après avoir travaillé comme directeur général pour Ubisoft Winnipeg. La ville était nouvelle pour moi, tout comme le studio. À partir de là, je savais que ma première tâche était d’être attentif. J’ai donc organisé plusieurs séances d’information, ateliers et périodes de questions. J’ai rencontré plus de 150 personnes sur une période de deux ou trois mois pour connaître leurs opinions et discuter des forces du studio et des éléments à améliorer.

J’ai tiré deux principales leçons de mes discussions avec les différentes équipes. D’abord, j’avais affaire à un studio merveilleusement créatif et bourré de talent, qui comptait sur moi pour faire preuve d’écoute et d’ouverture d’esprit. Il y avait des rumeurs qui circulaient au sujet de nos projets et de notre lieu de travail, et les équipes souhaitaient en savoir plus. J'ai donc organisé une assemblée et je leur ai dit : « Nous vous avons entendus, et nous allons vous expliquer où nous en sommes. »

Par exemple, certaines équipes se posaient des questions au sujet de l’équité salariale. Pour être aussi transparents que possible, nous avons travaillé en proche collaboration avec l’équipe mondiale des RH et engagé une firme indépendante pour réaliser une analyse scientifique et partager ses conclusions avec l’ensemble du studio, et son étude a démontré que nos équipes étaient rémunérées de façon juste et équitable.

La deuxième leçon que j’en ai tirée, c’est que nos équipes étaient très attachées à leur travail et voulaient avoir une plus grande influence sur notre stratégie. Nous avons donc ouvert nos discussions stratégiques à toute nos équipes et collaboré afin de maximiser nos forces et de nous assurer d’avoir une vision et une ambition communes. Nous communiquons notre stratégie de manière transparente à tout le studio, et je me présente personnellement à chaque nouvel employé. Nous faisons un suivi fréquent avec l’équipe pour voir comment progressent nos objectifs, et cela nous donne à tous un grand sentiment de cohésion.

De quelle manière Ubisoft Singapore a-t-il investi dans la création d’une culture professionnelle inclusive et à l’écoute? Quels changements ont été apportés?

DL : Dès le départ, c’était évident que la diversité, l’inclusion et l’accessibilité (DIA) allaient être au cœur de mon leadership. Les jeux vidéo sont faits pour nous amuser, et les créer aussi devrait être amusant. C’est pourquoi l’un des fondements de notre studio est que nous sommes une équipe amusante et attentionnée. Tout est question de respect, d’inclusivité, d’entraide et de promouvoir un milieu de travail positif capable d’attirer et de fidéliser des personnes de tous les horizons, un milieu où elles se sentent appuyées et libres de prendre des risques créatifs.

Nous avons beaucoup investi pour promouvoir ce genre d’environnement dans la dernière année et demie. Récemment, nous avons accueilli une nouvelle directrice des ressources humaines talentueuse, Desiree Tan, qui va continuer de renforcer notre équipe locale de RH. Nous travaillons aussi étroitement avec l’équipe mondiale de DIA, et nous attendons avec impatience l’arrivée dans cette équipe d’un nouveau membre dédié à la région Asie-Pacifique.

Nous nous améliorons constamment, et nous avons repensé notre programme d’écoute des employés afin de nous assurer que leurs commentaires et avis éclairent notre stratégie et notre plan d'action. Ces efforts incluent notre sondage mondial annuel des employés, Ubisoft XP, qui compte notamment des questions au sujet de la diversité, de l’inclusion et de notre milieu de travail sûr, à l’écoute et respectueux. Dans le cadre de notre programme d’écoute, nous allons bientôt lancer un sondage plus fréquent nommé « Pulse », qui aidera les gestionnaires à s’assurer que leurs équipes se sentent heureuses, impliquées et appuyées au quotidien. Pour tous les sondages, nous communiquons les résultats à l’ensemble du studio en toute transparence, et les avis et idées de nos équipes nous aident à adapter notre stratégie et notre plan d’action.

Dans le cadre de nos efforts visant à nous assurer que nous attirons des talents variés, nous avons mis les bouchées doubles sur notre engagement à accueillir davantage de femmes au studio et dans notre industrie. Cet effort a eu plusieurs retombées, dont l’engagement « Singapore Women in Tech », une initiative visant à soutenir les femmes dans leur carrière et à les aider à progresser plus rapidement. Un programme interne qui en a résulté s’appelle « Power Up », et il consiste en une série de formations et d’ateliers ciblés conçus pour soutenir les femmes, et les aider à développer leur carrière plus rapidement et à devenir les leaders de demain.

Lorsque nous formons nos équipes, nous prenons aussi des mesures afin que notre processus d’embauche favorise la diversité. Nous prenons soin d’élargir le bassin de talents potentiels et de rencontrer au moins trois ou quatre candidats par offre d’emploi. Cela nous donne la chance de rencontrer des candidats dont le CV n’est peut-être pas un choix évident, mais qui possèdent le meilleur talent et le plus de potentiel pour le poste. Une autre mesure que nous prenons consiste à assembler des équipes de recrutement plus diversifiées, afin que les personnes qui rencontrent les candidats reflètent elles-mêmes la diversité de notre studio. Leurs perspectives ont une profonde influence sur nos décisions d’embauche.

En ce qui a trait à la mise en place d’un environnement attentionné et à l’écoute, nos groupes de ressources pour les employés (GRE) jouent aussi un rôle important. En ce moment, nous travaillons à la mise en place de notre section régionale du GRE UbiProud, que nous avons nommée « Rainbow Kueh », un jeu de mots qui fait référence à un gâteau à étages de la région. Nous venons de célébrer le mois de la fierté, et je suis fier de voir les initiatives réalisées par notre équipe. Pour moi, c’est la preuve qu’Ubisoft a le potentiel de se positionner comme leader dans la région.

Ensuite, pour nous assurer de créer un milieu professionnel inclusif qui soutient le bien-être de toutes nos équipes, nous essayons de fournir un environnement plus souple. Nous avons mis en place des heures flexibles, un régime de travail présentiel/télétravail flexible, ainsi que d’autres options visant à aider chaque personne à trouver son équilibre dans l’industrie.

Tout cela est renforcé par un programme nommé « Kudos », conçu pour souligner les meilleures initiatives du studio et les personnes qui font une différence. Les gens peuvent nommer leurs collègues aux « Pillars Awards », un prix destiné aux personnes qui incarnent les valeurs et les fondements du studio. Nous offrons aussi des prix Kudos spécialement destinés à nos vétérans qui contribuent au studio depuis de nombreuses années. Tout est pensé pour créer une culture de reconnaissance, au sein de laquelle nous nous soutenons les uns les autres.

Est-ce que l’équipe a été réceptive face à ces changements?

DL : L’équipe a été très ouverte à ces nouvelles possibilités, et cherche même à étendre notre culture au-delà d’Ubisoft. Nous avons un programme d’ambassadeurs, et cela a été très gratifiant de voir des gens s’y inscrire afin de promouvoir Ubisoft Singapore et notre industrie en général en tant que milieu de travail formidable.  Par exemple, beaucoup de nos collègues participent à des programmes des écoles, universités et polytechniques locales, et ils donnent des conférences ou contribuent à des programmes de ces établissements en partageant l’expertise d’Ubisoft. Leurs efforts ont été reconnus de plusieurs façons, et nous sommes ravis de voir deux de nos employées figurer dans le top 100 des femmes du secteur technologique de Singapour ces deux dernières années. Ce n’est que l’une des manières dont nous soutenons notre communauté et jouons un rôle de leaders à Singapour, dans l’Asie du Sud-Est et dans l’industrie.

Travailler sur un tout nouveau jeu comme Skull and Bones est une occasion fantastique, mais aussi un énorme défi. Comment Ubisoft Singapore appuie-t-il ses équipes afin de leur permettre de donner le meilleur d’elles-mêmes?

DL : L’une des initiatives géniales qui ont vu le jour est le marathon de conception de jeux du studio. Nous laissons les gens former des équipes à leur guise et se rassembler pour construire en quelques jours un petit jeu indépendant, puis nous célébrons ces jeux au studio pendant nos réunions. Quelle meilleure manière de générer des idées originales dans le studio? En plus de créer un environnement inclusif, respectueux et à l’écoute, nous encourageons aussi énormément la créativité. L’une de nos initiatives s’appelle « Open Innovation », un programme conçu pour donner aux employés la liberté de proposer leurs idées de jeux. C’est une plateforme qui permet à chacun de partager ses propres idées, et tout comme le programme Kudos a commencé à imprégner toutes nos activités, Open Innovation commence à son tour à se tailler une place dans notre quotidien.

Ce genre d’initiative aide l’équipe à grandir continuellement. Près de la moitié des idées proposées cette année proviennent des employés débutants et intermédiaires, et elles se sont transformées en occasions de mentorat et d’accompagnement afin de les aider à se perfectionner plus rapidement, et en programmes de formation encourageant la créativité et l’acquisition de compétences techniques.

Quelle est la vision à long terme d’Ubisoft Singapore?

DL : Nous avons conçu notre stratégie commune il y a un an et demi, mais nous avons continué à évoluer avec les conseils des leaders du studio et de toutes les personnes qui travaillent sur nos jeux. Nous voulons être ambitieux et créer des jeux qui reflètent l’approche unique et les perspectives de nos équipes de l’Asie du Sud-Est.

La vision que nous nous sommes donnée consiste à rejoindre tous les joueurs de la planète, à partir de notre petit point rouge. Ce petit point rouge est une référence populaire à Singapour, par rapport au fait que le point rouge qui désigne le pays sur les cartes est plus gros que l’île elle-même. Le gouvernement s’en est inspiré et s’est dit: « Vous savez quoi? C’est vrai, nous ne sommes qu’un petit point rouge, mais nous sommes un point qui rayonne fièrement sur la scène mondiale. » Nous avons la même ambition pour le studio. Nous sommes un studio de premier ordre dans l’Asie du Sud-Est, qui reflète les perspectives uniques de ses équipes de la région et qui propose des mécaniques de jeu et des styles originaux. Nous allons créer des jeux AAA novateurs qui se vendront dans le monde entier et tirer profit de la portée d’Ubisoft pour proposer des contenus réellement originaux aux joueurs.

Nous avons la chance de rejoindre tellement de joueurs avec nos jeux, et de leur offrir quelque chose de vraiment nouveau et différent. Évidemment, nous avons hâte de lancer Skull and Bones et de l‘étoffer pour les années à venir. Le jeu a été une pièce centrale de notre studio, et nous allons continuer de l’améliorer. Comme c’est un jeu-service, notre but est que vous puissiez continuer à y jouer pendant cinq à dix ans, et nous espérons que les joueurs seront au rendez-vous.

En parlant du jeu, quels défis Skull and Bones a-t-il dû surmonter pendant ces quelques années de développement?

DL : Notre studio a appris par la pratique au cours des, euh... plusieurs dernières années (rires) que réaliser un nouveau jeu à partir de zéro est l’un des plus grands défis de l’industrie du jeu vidéo. Il faut inventer une toute nouvelle recette – il n’y a pas de modèle à suivre, pas de guide prédéfini. Vous devez trouver vous-mêmes les solutions à la dure, en essayant quelque chose et en testant et en recommençant. Skull and Bones a une vision très ambitieuse, n’est-ce pas? C’est un nouveau jeu qui reprend des éléments de plusieurs genres et les rassemble dans quelque chose de nouveau, qui permet aux joueurs de réellement raconter leur propre histoire dans le monde que nous avons imaginé. Et c’est extrêmement difficile à réaliser.

Pendant les plusieurs années de développement de Skull and Bones, le jeu est passé par plusieurs moutures avant d’adopter sa forme actuelle. Pendant que nous essayions de trouver la bonne formule, la technologie aussi a évolué, ainsi que le marché du jeu vidéo et les préférences des joueurs. En tant que développeurs, nous avons dû nous adapter constamment à ces changements, et quand nous avons constaté toute la puissance des nouvelles consoles, nous avons rapidement compris que nous avions un superbe outil pour nous aider à réaliser notre vision.

Je suis très fier du dévouement de mon équipe, particulièrement ces dernières années avec la COVID-19. Nous sommes enfin près du but, et nous tenons un jeu captivant et entièrement original. C’est une réussite colossale.

Comment faites-vous pour déterminer que le jeu est prêt? Comment savez-vous que tous ces ingrédients se sont bien mélangés et que la recette est à point?

DL : Ce sont nos fans qui nous le disent. Nous effectuons constamment des tests pendant le développement d’un jeu, mais nous sommes allés encore plus loin pour Skull and Bones. Nous avons un programme appelé « Insider », dans lequel nous accueillons des membres de la communauté que nous savons passionnés de jeux vidéo, ou des fans qui ont interagi avec nous par le passé. Nous les invitons tout simplement à jouer au jeu. C’est un petit groupe pour le moment, mais il grandit sans cesse. Ces joueurs nous donnent des critiques très claires et honnêtes au sujet de notre jeu, et bien sûr nous utilisons leurs commentaires pour continuer à l’améliorer.

Qu’espérez-vous que les joueurs retiennent de Skull and Bones?

DL : Pour tous nos jeux, nous aspirons à enrichir l’existence des joueurs, et Skull and Bones en particulier renferme quelques leçons de vie très importantes. Le jeu est inspiré par des événements qui ont eu lieu dans l’océan Indien vers la fin du XVII^e siècle, ce que l’on appelle l’âge d’or de la piraterie. C’était un endroit impitoyable, à une époque impitoyable. Des gens du monde entier se rendaient sur l’océan Indien en quête de richesses. Ils cherchaient à échapper à des circonstances économiques difficiles ou à se faire un nom.

Nous avons repris cette expérience de recommencer à zéro et nous l’avons transformée en un jeu axé sur la survie, où chaque jour se joue à quitte ou double. Vous commencez sans ressources, et vous devez gravir les échelons pour devenir un pirate renommé. Le jeu vous pousse à trouver votre propre voie et à raconter votre propre histoire. Les joueurs auront beaucoup de liberté dans ce monde, et leur succès leur appartiendra véritablement quand ils atteindront le statut convoité.

Comment prévoyez-vous prendre en charge Skull and Bones dans l’avenir?

DL : Nous avons un plan de développement continu ambitieux qui reflète l’ambition du studio de se positionner comme développeur de jeux-services AAA de premier plan. Nous allons essayer beaucoup de choses avec Skull and Bones, et nous avons hâte de publier régulièrement de nouveaux contenus et fonctionnalités. Nous avons conçu une expérience de jeu extrêmement extensible, et notre liste d’idées est interminable. Chaque saison, nous proposerons quelque chose de nouveau qui rehaussera l’expérience.

Nous avons aussi la chance de pouvoir apprendre des meilleurs, notamment d’autres jeux-services d’Ubisoft. Évidemment, à travers ce parcours, nous écouterons les joueurs afin de nous assurer de leur livrer le contenu et les fonctionnalités qui comptent le plus à leurs yeux.

Quel est l’héritage qu’Ubisoft Singapore souhaite laisser derrière lui?

DL : Je crois que notre héritage sera d’avoir mis sur pied un studio créatif et humain qui aura proposé un nouveau type de jeu, et un héritage de jeux AAA inspirés par nos équipes talentueuses de l’Asie du Sud-Est. Singapour possède tous les ingrédients pour donner vie à ces ambitions, et je suis impatient de découvrir ce que nous réserve l’avenir.

---

Pour en savoir plus au sujet de la culture d’Ubisoft, découvrez les projets d’avenir de l’équipe DIA, le nouveau programme Ubisoft RADAR ou la septième saison de l’Entrepreneurs Lab d’Ubisoft. Vous pouvez aussi en apprendre plus au sujet des GRE d’Ubisoft : Asian & Pacific Islander pour les personnes de l’Asie et des îles du Pacifique, Salaam pour les personnes de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient et Neurodiversity pour les personnes neurodivergentes.