Au début de chaque année, Ubisoft Toronto accueille l'édition ontarienne de la série Indie Ubisoft présentée par la Banque Nationale, un concours dédié aux studios de jeux indépendants. La série a pour but de promouvoir les studios locaux et de les aider à atteindre leurs objectifs grâce au mentorat et à des récompenses en argent, mais également en leur apportant un soutien créatif, marketing et financier. Les gagnants du grand prix bénéficient d'un mentorat offert par les experts d'Ubisoft en fonction des besoins du studio, de conseils financiers et d'une formation entrepreneuriale de la part des experts de la Banque Nationale, d'un soutien marketing, et d'une récompense en argent à hauteur de 50 000 CAD.
En raison de la COVID-19, la série Indie Ubisoft de cette année s'est déroulée en ligne, mais cela n'a aucunement freiné les studios indépendants, qui ont tout de même présenté leurs jeux au panel de juges d'Ubisoft Toronto et de la Banque Nationale. Le dossier de candidature des studios devait inclure un plan d'affaires et de développement, un budget de projet et des objectifs marketing pour leurs jeux. Les candidatures pour la série Indie de l'année prochaine ouvriront au début de l'année 2021. Plus de détails sont disponibles sur le site Web d'Ubisoft Toronto pour l'édition ontarienne de la série Indie.
Pour en savoir plus sur la série de cette année, nous avons discuté avec Lesley Phord-Toy, directrice des affaires commerciales chez Ubisoft, et Tanya Kan, productrice exécutive et directrice du studio lauréat du grand prix de cette année.
Lesley Phord-Toy : directrice des affaires commerciales chez Ubisoft
Pour quelles raisons Ubisoft propose-t-il la série Indie? Qu'est-ce que l'entreprise espère réaliser?
Lesley Phord-Toy: Depuis l'ouverture de son premier studio au Canada en 1997, Ubisoft a joué un rôle actif dans le développement d'un écosystème de passionnés et de créatifs, un écosystème dans lequel des studios de toutes tailles travaillent ensemble pour faire briller l'industrie du jeu vidéo au niveau international. Dans l'Ontario, Ubisoft est ainsi très bien placé pour soutenir la région qui comprend le plus grand nombre de studios indépendants du Canada.
La création de jeux présente de nombreux défis, notamment sur le plan financier et créatif. C'est pourquoi nous souhaitons établir des liens avec nos collègues, partager des connaissances et des compétences et, ensemble, veiller à ce que l'Ontario et le Canada continuent de croître en tant que numéro un sur le marché mondial du développement de jeux.
Cette année, vous avez dû organiser la série Indie entièrement en ligne. Comment avez-vous vécu cette expérience?
LPT: Nous avons choisi nos finalistes début 2020, avant de nous rendre compte que nous allions devoir organiser les choses un peu différemment cette année. Nous avons discuté des prochaines étapes, et nos équipes étaient ravies d'aller de l'avant avec un nouveau format en ligne pour la série Indie!
Chaque finaliste disposait de son créneau pour présenter virtuellement ses projets, avec un temps réservé aux questions/réponses avec les juges. C'était ma deuxième année en tant que juge, et avoir l'occasion de rencontrer des développeurs indépendants incroyables et de découvrir tout le travail et la passion qu'ils ont investis dans leurs jeux fut une expérience formidable.
Après leurs présentations, nous avons repris contact avec chaque finaliste pour échanger des commentaires approfondis et avons découvert d'autres moyens de soutenir certains d'entre eux dans leur développement.
Quels types de studios et de jeux le comité de décision recherche-t-il?
LPT: Les précédents gagnants ont démontré de manière concise les domaines clés sur lesquels reposent leur vision et leur direction. De plus, ils ont clairement expliqué la façon dont leur jeu s'intègre au marché actuel et avaient une très bonne compréhension de leur public cible. Nos juges ont également tendance à attribuer des points supplémentaires aux studios présentant des approches modernes et nouvelles concernant les mécaniques de jeu, la narration et les univers dépeints. Ils souhaitent voir quelque chose qui sort du lot et qui propose de nouveaux types d'expériences aux joueurs.
Au niveau du studio, la passion est essentielle. C'est formidable de voir des développeurs enthousiastes, car cela signifie souvent qu'ils ont une vision à long terme de leur studio. Les juges sont toujours impressionnés quand on leur présente une stratégie ambitieuse et pratique qui accompagne cette vision du studio, mais également lorsqu'ils constatent un certain désir d'apprendre, de grandir et de collaborer. Ces qualités constituent généralement les principes de base des studios qui développent et lancent les meilleurs jeux.
Pourquoi Vivid Foundry/Solace State a-t-il remporté le grand prix cette année?
LPT: Le jeu Solace State de Vivid Foundry est bien pensé, bien ciblé, visuellement soigné et explore des thèmes intéressants et d'actualité. Tanya Kan a vraiment bien représenté son studio et son équipe; la passion de l'équipe est évidente et ils étaient tous enthousiastes à l'idée de bénéficier des opportunités de mentorat offertes dans le cadre du grand prix. Nous avons été impressionnés par la stabilité du jeu à ce stade de développement, et les juges savaient déjà clairement comment soutenir les prochaines étapes du studio pour que leur jeu soit une réussite.
Tanya Kan - Productrice exécutive et directrice de Vivid Foundry Corp.
Photo par Paul Hillier
Pour quelles raisons avez-vous participé au concours de la série Indie Ubisoft?
Tanya Kan: Depuis sa création, Ubisoft Toronto a fait office de caisse de résonance pour d'excellents projets dans la communauté. Beaucoup de finalistes passés et présents de la série Indie Ubisoft sont des studios que nous admirons! De plus, Ubisoft s'engage véritablement à créer des mondes multiculturels à la narration travaillée qui abordent des complexités historiques. Notre studio, Vivid Foundry, œuvre également en ce sens.
Cette expérience a-t-elle répondu à vos attentes?
TK: Je voulais juste effectuer la meilleure présentation possible; montrer notre jeu aux juges d'Ubisoft et de la Banque Nationale était déjà un honneur en soi. J'ai vu comment Ubisoft Toronto s'implique dans la communauté des développeurs de jeux, et je savais que cette expérience ne pourrait être que positive. Mais je suis tellement heureuse qu'elle ait surpassé mes attentes, qui étaient déjà élevées. J'ai apprécié les questions approfondies que les juges m'ont posées et l'enthousiasme dont ils ont fait preuve durant leurs commentaires! Ce fut une expérience vraiment positive.
Pour vous, que signifie cette victoire?
TK: C'est incroyablement réconfortant de savoir que les juges, qui possèdent tellement d'expérience dans les différents postes de l'industrie du jeu vidéo, sont aussi enthousiasmés que nous par notre jeu. Les juges et mon équipe reconnaissent que c'est un grand pas en avant non seulement pour Solace State, mais aussi pour Vivid Foundry. Grâce à la série Indie Ubisoft, nous avons désormais les outils qu'il nous faut pour atteindre un public plus large et pour inclure plus de contenu dans notre jeu. Nous avons hâte de commencer le mentorat en compagnie des spécialistes d'Ubisoft et de la Banque Nationale. Nous sommes surtout impatients de pouvoir peaufiner notre écriture narrative afin de raconter une histoire percutante, avec des personnages qui progressent grâce à leurs motivations et arcs conflictuels.
Parlez-nous un peu de votre jeu, Solace State.
TK: Solace State est un jeu de « piratage social » qui cherche à émouvoir et s'inscrit dans un univers cyberpunk 3D. Le jeu vous place dans la peau de Chloé, une jeune pirate informatique qui cherche à se rapprocher de ses amis au sein d'une ville militarisée. Certaines décisions que vous prenez vous permettent de construire les relations personnelles de Chloé (avec une petite dose de romance). Ces décisions peuvent également avoir un impact sur la façon dont les différentes factions interagissent avec le drame politique qui entoure la ville. Durant l'aventure, Chloé se voit confrontée à des citoyens qui perdent leurs libertés et leurs droits sociaux en raison de dirigeants agressifs issus du commerce des biotechnologies. Le jeu s'inscrit dans une esthétique unique de « transitions de piratage » qui révèlent un texte narratif directement intégré à la métropole 3D afin de raconter l'histoire. Vous y trouvez donc un méli-mélo de titres de films et d'influences de bandes dessinées.
D'après vous, pour quelles raisons votre jeu a-t-il remporté le grand prix?
TK: Oh mon Dieu, il y avait tellement de finalistes talentueux, qui avaient tous des propositions de jeu convaincantes et uniques! Je suis ravie d'avoir concouru dans la même catégorie qu'eux. L'histoire de Solace State repose sur la vie de diverses populations, qui connaissent une érosion de leurs droits et de leurs recours dans la société. Ces problèmes surviennent en raison de dirigeants qui se disputent le pouvoir dans le cadre d'une nouvelle révolution biotechnologique, et cette allégorie reflète les préoccupations sociales que nous connaissons actuellement. Nous avons également choisi une approche visuelle marquante pour enrober notre histoire, avec un univers de science-fiction et des personnages stylisés. Nos mécaniques de jeu narratives enrichies permettent aux joueurs de faire des choix moraux qui s'accompagnent de conséquences. Nous pensons que les joueurs apprécieront de découvrir le résultat de tous les choix qu'ils ont faits, ainsi que certains des rebondissements liés à divers personnages. Nous proposons également des éléments de narration multimédia qui vous seront dévoilés ultérieurement!
Pourquoi souhaitiez-vous créer un jeu comme Solace State?
TK: J'ai envie de raconter une histoire qui retranscrit des tentatives de redécouvrir son identité et sa culture dans un univers rempli d'importants bouleversements politiques. J'ai une formation en science politique, mais dans le fond, je reste une conteuse d'histoires fascinée par la façon dont les communautés se rassemblent. Je pense que beaucoup de gens pourront s'identifier au récit de ce jeu, chargé d’histoires reposant sur l’espoir malgré les problèmes d'adversité, et inspiré par mon expérience en tant qu'immigrante. À travers nos divers personnages, j'espère susciter des conversations sur la fragilité de nos droits dans une ville qui ne se soucie pas de ses habitants, et sur l'importance des initiatives qui visent à les conserver. J'ai lancé ce projet, car je veux avoir la possibilité de me mettre au défi d'apprendre et de raconter des histoires difficiles, et d'entamer une conversation à ce sujet. Je pense également qu'un média interactif numérique est un véritable outil de narration qui permet de guider cette discussion ouverte.
Vivid Foundry est un studio dirigé par des femmes, et Solace State dispose d'une équipe de développement très diversifiée. Pourquoi est-ce important pour le studio et le jeu?
TK: J'ai l'impression que l'histoire des jeux scénarisés de Vivid Foundry ne peut pas être racontée sans une équipe diversifiée. De plus, j'estime qu'il est impératif d'embaucher des personnes ayant diverses compétences et de s'assurer qu'une entreprise respecte les besoins de chacun pour pouvoir commencer à résoudre les problèmes systémiques d'accès, à petite échelle. Chacun dispose d'un vécu qui lui est propre. Réussir à synthétiser nos idées tous ensemble nous donne l'occasion de sortir de notre bulle de préjugés, de communiquer les uns avec les autres en adoptant de nouvelles perspectives, et de proposer des aventures plus marquantes. Nous découvrons également les différentes racines et origines culturelles des uns et des autres, tout en faisant face aux défis quotidiens ensemble, et en nous inspirant mutuellement. Lorsque nous travaillons sur la narration sociopolitique de Solace State, nous faisons appel à divers consultants et collègues pour échanger sur les points communs et les spécificités culturelles de nos rôles civiques.
La série Indie Ubisoft de l'Ontario présentée par la Banque Nationale sera de nouveau disponible l'année prochaine. Cliquez ici pour découvrir comment y participer.