15 May 2020

13 min - lecture

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Les femmes d'Ubisoft – Coralie Zaza

Lorsque vous pensez aux mots « Ubisoft » et « musique », vous pensez probablement à Just Dance ou à Rocksmith, deux titres dans lesquels la musique fait partie intégrante de l'expérience de jeu. Mais imaginez The Crew 2 sans « Howlin' For You » des Black Keys ou Watch Dogs 2 sans « Spaz » de N.E.R.D. Ces jeux et tant d'autres s'appuient sur de la musique sous licence pour ajouter de la couleur à leur univers, amplifier les émotions et divertir les joueurs. C'est dans ce contexte que des gens comme Coralie Zaza entrent en jeu. En tant que spécialiste des droits musicaux, Coralie est chargée d'obtenir les droits pour inclure de la musique préexistante dans les jeux d'Ubisoft. Que ces chansons apparaissent dans le jeu ou dans une bande-annonce, son travail couvre presque toutes les propriétés d'Ubisoft.

Nous avons parlé avec elle pour en savoir plus sur le parcours qui lui a permis de rejoindre Ubisoft, sur l'importance des droits musicaux, et sur ce qui fait qu'elle est toujours prête pour une nouvelle aventure.

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Parlez-nous un peu de votre parcours.

Coralie Zaza: J'ai grandi dans une petite ville de France près des Alpes. C'est une belle ville, mais il n'y avait pas grand-chose à faire, et je m'en souviens maintenant avec plus de tendresse que lorsque j'y vivais. J'ai toujours su que je voulais vivre dans une ville plus grande et explorer toutes mes possibilités. Partir pour l'université à 17 ans a été ma première évasion dans un monde différent et j'ai profité autant que possible de notre système universitaire abordable en France et de la possibilité de faire des échanges internationaux. J'ai fréquenté six universités différentes, j'ai voyagé partout où je pouvais, j'ai étudié tous les sujets possibles. Je ne pouvais jamais me limiter à un seul sujet, alors j'ai étudié l'anglais, la littérature moderne, la philosophie, les communications, le théâtre, la musique, les nouveaux médias. Je n'arrivais pas non plus à décider où je voulais vivre. J'ai fait mes études partout en France, mais j'ai aussi vécu à Athènes, à New York et à Miami. Je ressentais de l'exaltation à me déraciner pour repartir de zéro, et j'aimais beaucoup apprendre à partir de la base plutôt que de seulement suivre des cours dans une salle de classe. J'ai passé ma jeune vingtaine à voyager et à vivre dans différents endroits, et j'ai adoré ça.

Était-ce utile d'un point de vue professionnel? C'est plutôt discutable (rires). J'ai fini par obtenir un diplôme en rapport avec les arts qui ne se traduit pas vraiment bien en anglais, donc il était difficile de résumer mon éducation aux autres.

Comment avez-vous commencé à travailler dans le domaine musical?

CZ: J'ai toujours su que je voulais travailler dans la musique, même si je ne savais pas quelles étaient mes options au début. Pendant mon adolescence, j'ai consacré énormément de temps et d'argent à aller voir des spectacles et à voyager dans toute l'Europe avec mes amis pour voir nos groupes préférés. J'aimais tellement ça que je comptais les jours jusqu'au spectacle, et j'éprouvais un énorme sentiment d'anticipation. C'était ma raison de vivre. Je savais que c'était l'industrie dont je voulais faire partie. C'est probablement pour cela que mon parcours d'études a été aussi sinueux, parce qu'il n'y a pas de chemin direct pour intégrer le monde de la musique. Je ne suis pas musicienne, il n'y avait donc pas de voie toute tracée.

Après avoir été stagiaire et employée dans plusieurs salles de concert, agences artistiques et étiquettes de disques, j'ai travaillé pour une agence de droits musicaux à Toronto. C'était mon premier emploi de « grande fille ». J'ai vraiment appris à aimer la partie analytique de ce travail. Bien sûr, j'avais déjà un amour pour la musique, mais mon inclination pour la logistique y trouvait aussi son compte. J'ai réalisé que l'industrie de la musique ne se résume pas aux Rolling Stones, aux feux d'artifice et à Coachella. C'était cependant un peu déprimant, parce que je travaillais dans les droits de reproduction mécanique, qui sont les redevances octroyées par la vente de CD ou de vinyles. Comme nous le savons tous, ce ne sont plus des supports qui se vendent vraiment. J'envoyais des chèques de seulement 75 cents aux artistes. J'avais l'impression que l'industrie était en train de mourir, mais je n'étais pas encore prête à abandonner et à passer à un autre domaine, alors je suis partie à la recherche de nouvelles perspectives.

Comment avez-vous rejoint Ubisoft?

CZ: Je vivais à Toronto depuis cinq ans à l'époque, ce qui me semblait très statique, car j'aime bouger et découvrir de nouveaux endroits. J'avais besoin de changer de décor, alors j'ai déménagé à Montréal et j'ai travaillé dans un studio de production musicale pendant quelque temps. Un ami m'a envoyé une offre d'emploi pour Ubisoft. Mon profil correspondait à la description et aux exigences, il s'agissait de droits musicaux, un domaine que je connaissais. J'ai recherché l'entreprise sur le Web et me suis dit : « Quoi? Des jeux vidéo? » J'avais confiance en ma capacité à faire le travail d'un point de vue musical, mais je craignais que ce poste exige une grande connaissance des aspects techniques du jeu vidéo. Tout ce que je connaissais des jeux, c'était Rayman et Ocarina of Time, auxquels j'avais joué vingt ans plus tôt. J'étais tellement nerveuse que j'ai lancé « Je ne joue pas aux jeux vidéo! » pendant l'entrevue (rires). Ça n'a pas été un problème; lorsque j'ai commencé à travailler, je me suis rendu compte que la plupart des membres de mon équipe ne sont pas non plus des joueurs!

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Vous avez dit que vous désirez toujours essayer de nouvelles choses, mais la musique semble avoir été une constante dans votre vie. Pourquoi donc?

CZ: C'est né d'une passion. J'adore la musique, la littérature, l'art, mais je ne suis pas une artiste. Je les respecte entièrement et je me rends compte que sans les artistes, ma vie serait bien ennuyeuse. J'ai toujours su que je voulais encourager l'industrie d'une certaine façon. Je voulais travailler dans les coulisses parce que je sais que je suis douée pour les chiffres et la paperasse, et que je suis très organisée. Je veux donc allier ce que je sais faire à ce qui me passionne. Quand j'étais jeune, ce que j'aimais par-dessus tout était d'aller chez le disquaire pour regarder des albums pendant des semaines avant de pouvoir me les payer. Je ne veux pas que cela meure, bien que la situation évolue. Je ne veux pas que nous, le public, tenions l'art pour acquis, et je ne veux pas que les artistes pensent qu'il n'y a pas d'argent ou d'avenir à essayer de vivre de leur art et qu'ils arrêtent. Si je peux participer à l'industrie des arts et du spectacle et l'encourager, j'ai le sentiment d'avoir un rôle à jouer.

Quel est le rôle d'un spécialiste des droits musicaux?

CZ: Je suis l'une des trois spécialistes des droits musicaux au sein du département de musique d'Ubisoft. Nous sommes essentiellement l'intermédiaire commercial entre les équipes de production et de marketing d'Ubisoft et les différents acteurs de l'industrie musicale : les étiquettes de disques, les éditeurs, parfois les artistes eux-mêmes. Les gens de la production ou du marketing nous font part d'une demande de musique; soit ils savent déjà ce qu'ils veulent et notre travail consiste à trouver le propriétaire de la chanson et à négocier l'utilisation de celle-ci, soit ils n'ont aucune idée de ce qu'ils veulent et nous demandent notre avis. En fonction du budget, nous envoyons alors des demandes à nos partenaires et trouvons une chanson, ou nous les mettons en contact avec nos superviseurs musicaux, les responsables de la création chez Ubisoft Music. Ils supervisent les compositions originales et la cohérence générale de la musique des productions.

Les spécialistes des droits ne s'occupent que des droits de musique externe. On se concentre surtout sur Just Dance et Rocksmith, mais en réalité nous travaillons avec toutes les marques et tous les studios. Une fois qu'une chanson est négociée et intégrée à un jeu ou une bande-annonce, nous nous assurons que toute la paperasse est finalisée. C'est un processus complexe. Nous essayons aussi de maintenir des accords avec des étiquettes de disques et des bibliothèques musicales.

Pouvez-vous donner des exemples de musique utilisée sous licence dans les jeux d'Ubisoft autres que Just Dance et Rocksmith?

CZ: Ça dépend du jeu, honnêtement, mais il y en a une tonne. Si vous jouez à The Crew 2 ou à Watch Dogs 2 et que vous écoutez la radio, toutes ces chansons sont sous licence. Si vous jouez à Assassin's Creed, il n'y a presque aucun morceau sous licence parce qu'il s'agit de compositions originales. Just Dance et Rocksmith nous occupent beaucoup évidemment, mais mon premier grand projet chez Ubisoft a été Watch Dogs: Legion, qui sortira bientôt. Nous travaillons sur presque toutes les franchises, mais les plus importantes pour la musique en jeu sont Just Dance, Rocksmith, The Crew, Steep, Far Cry et Watch Dogs.

Le marketing nous tient également très occupés, car chaque bande-annonce que vous voyez contient de la musique, et ça relève aussi de notre département. C'est beaucoup de travail, parce que nous devons garder un œil sur toutes les bandes-annonces et toutes leurs versions. Le processus dépend du jeu et de la portée de la bande-annonce. Avant que j'intègre Ubisoft, mon gestionnaire, Nikolaos Bardanis, et notre superviseure musicale Bénédicte Ouimet ont travaillé sur la bande-annonce d'Assassin's Creed Origins avec une chanson de Leonard Cohen, et ça n'a pas été facile. C'était peu de temps après le décès de Cohen, et il a fallu beaucoup de persuasion pour convaincre sa succession de nous permettre d'utiliser le morceau dans notre bande-annonce. Il y avait aussi un défi supplémentaire parce qu'ils ont également dû négocier les droits de réédition de la chanson pour la bande-annonce. Finalement, tout s'est arrangé, car tout le monde a adoré la bande-annonce. Mon gestionnaire a été invité avec le gérant de Leonard Cohen à des conférences ici à Montréal, et a parlé de l'inclusion de la chanson, qui atteignait un tout autre public grâce à la bande-annonce. Il peut parfois être difficile de convaincre l'artiste ou l'étiquette, mais c'est souvent excellent pour leur visibilité.

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Les équipes de production vous approchent-elles simplement avec une liste de chansons en vous demandant d'en obtenir les droits?

CZ: D'habitude, je travaille avec le directeur audio du jeu et il me donne une liste énorme, bien plus de chansons que ce qu'on pourrait entendre en jeu, car pour chaque chanson sur laquelle je réussis à mettre la main, il y en a dix que je ne peux pas obtenir. Les gens peuvent refuser pour toutes sortes de raisons. Quand ça va bien, je peux obtenir les droits d'un morceau en deux jours environ, si c'est un petit artiste indépendant qui possède tous les droits sur sa chanson. En réalité, l'obtention des droits pour une chanson peut prendre des semaines, des mois, voire des années. C'est déjà arrivé sur Just Dance : une chanson a mis deux ans avant de pouvoir être utilisée.

Pour un jeu d'envergure comme Watch Dogs: Legion, c'est une discussion entre le directeur audio, le superviseur musical et moi-même. Le directeur audio nous apporte une liste et le superviseur musical s'assure que les chansons suivent un thème cohérent. J'ai même fini par suggérer quelques chansons, parce que je connais très bien la musique britannique. J'étais aux anges de pouvoir laisser ma marque sur Watch Dogs, mais suggérer des chansons ne fait habituellement pas partie de notre travail.

Quel aspect de votre travail préférez-vous?

CZ: Je dirais que l'un de mes aspects préférés est de travailler avec des artistes émergents, ceux qui ne sont pas encore célèbres; d'intégrer un artiste peu connu dans un jeu et le voir gagner en popularité grâce à la visibilité du titre. Après que nous les ayons inclus dans nos jeux, des groupes moins en vue m'ont écrit pour me dire qu'ils avaient remarqué que leur public avait augmenté et s'était diversifié. Cela me rend toujours heureuse quand je réalise l'impact que nous avons. Ce n'est pas seulement une question financière, c'est aussi l'impact de la visibilité. C'est génial d'obtenir les droits d'une chanson de Katy Perry pour Just Dance, mais travailler avec des artistes moins connus me rappelle pourquoi je fais ce travail.

Maintenant que vous êtes chez Ubisoft depuis deux ans, votre perception des jeux a-t-elle changé? Avez-vous commencé à y jouer davantage?

CZ: Une chose dont je suis certainement plus consciente maintenant, c'est l'aspect pédagogique des jeux. Je pense surtout à Assassin's Creed et au mode éducatif Discovery Tour, que je trouve fascinant. L'équipe nous y a fait jouer et même si je ne suis pas adepte des jeux, j'ai vraiment aimé ça, et j'ai pu voir comment les jeux vidéo peuvent être utilisés dans un format accessible aux enfants et aux étudiants. Je suis aussi éblouie par le réalisme du contexte historique du jeu, par toutes les recherches qui ont été faites et qui peuvent être réutilisées ou abordées sous un autre angle. Je n'avais pas conscience de cette précision avant de commencer à travailler chez Ubisoft.

La musique semble être une partie si importante d'une bonne bande-annonce. Avez-vous une bande-annonce Ubisoft préférée?

CZ: Beaucoup de mes chansons préférées sont celles que j'ai aidé à obtenir. L'une de mes négociations les plus difficiles concernait une chanson de Blur pour Ghost Recon Breakpoint : il s'agit de « Song 2 » de Blur, interprétée par 2wei. C'est une reprise incroyable d'une de mes chansons préférées. La négociation a été très délicate, donc je suis très fière de celle-là.

J'adore la chanson de Leonard Cohen qu'on a utilisée dans Assassin's Creed Origins. C'est presque un cliché, mais je l'écoute et j'en ai des frissons. Une autre que j'aime beaucoup, et c'est l'une des premières que j'ai négociées, a fait partie d'une bande-annonce de For Honor Marching Fire. C'est une chanson de Fleurie qui s'intitule « Soldier ».

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui veut faire ce que vous faites?

CZ: Ça n'a rien d'extraordinaire. Établir un réseau, travailler fort, être aimable, et rester curieux et désireux d'apprendre. Un CV n'est pas toujours linéaire. Ménagez de l'espace et du temps pour saisir les occasions qui se présentent à vous; vous pourriez découvrir différents rôles et expériences qui vous amèneront là où vous ne saviez pas que vous vouliez être. Je ne suis pas gérante de tournée comme je voulais l'être à 16 ans, mais je sais maintenant que ce n'est pas un style de vie que j'aurais aimé. On ne sait jamais ce qui va se passer en cours de route. La vie a une façon de vous envoyer des occasions auxquelles vous ne vous attendez peut-être pas.

Pour lire d'autres entrevues comme celle-ci, consultez nos portraits de la série Les femmes d'Ubisoft.

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