En tant que coordonnatrice de projet chez Ubisoft Bordeaux, Olivia Forni est responsable de la planification des processus utilisés par les concepteurs de missions dans Ghost Recon Breakpoint. Son travail consiste à créer et à vérifier les tâches de l'équipe, à les attribuer aux bonnes personnes et à s'assurer qu'elles sont comprises et livrées dans les délais. Elle s'occupe également des communications entre les différents studios travaillant sur le même projet, afin de s'assurer que toutes les équipes œuvrent ensemble vers un objectif commun. Nous nous sommes récemment entretenus avec elle dans le cadre de la série « Les femmes d'Ubisoft » pour en savoir un peu plus sur son parcours et sur sa carrière dans l'industrie des jeux vidéo.
Parlez-nous un peu de votre parcours. Où avez-vous grandi? Qu'avez-vous étudié à l'école? Que vouliez-vous faire quand vous étiez enfant?
Olivia Forni : Quand j'étais jeune, je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire. Alors, comme beaucoup de gens, j'ai suivi le cursus le plus élémentaire possible. J'ai toujours été intéressée par les nouvelles technologies, et comme je réussissais bien à l'école, j'ai poursuivi des études scientifiques. Ça me semblait un bon choix, et j'ai même commencé à étudier la robotique dans une école d'ingénierie, mais je n'y suis restée que trois mois. L'école était loin, les cours ne m'intéressaient pas et j'avais l'impression que beaucoup de gens étaient sexistes. Il était difficile pour moi de créer des liens avec mes camarades de classe alors que la plupart d'entre eux ne m'acceptaient pas comme une véritable ingénieure. En fin de compte, ce n'était pas quelque chose que je voulais faire pour le reste de ma vie.
Ensuite, j'ai trouvé une école dans le quartier de La Défense à Paris, l'Institut de l'Internet et du Multimédia, et j'ai obtenu une maîtrise en gestion de projets multimédia avec une spécialisation en jeux vidéo. C'était vraiment génial; nous travaillions le matin, et l'après-midi, nous avions le temps de travailler sur nos projets personnels. C'est à cette époque que j'ai créé mes premiers jeux sur Unity.
Quel genre de jeux Unity avez-vous créés? Qu'avez-vous appris de ce processus?
OF : J'ai fait un jeu de casse-tête avec un cube qu'il fallait tourner et faire pivoter dans différentes positions pour trouver le chemin vers la sortie. J'ai appris que je suis très mauvaise en modélisation 3D et en conception de niveaux (rires), mais qu'Unity est un outil vraiment utile pour faire des prototypes très rapidement, même si on n'a pas beaucoup d'expérience.
Vous avez mentionné que l'école d'ingénieurs était sexiste; pensez-vous que vous auriez persévéré si vos camarades de classe avaient été plus accueillants?
OF : Je ne crois pas, car ce n'était pas la raison principale de mon départ, mais ça ne m'a certainement pas encouragée à continuer.
Avez-vous connu un sexisme similaire dans l'industrie des jeux vidéo?
OF : Non, pas du tout! Bien au contraire, en fait. J'ai tendance à me démarquer un peu plus, car il n'y a pas autant de femmes dans les jeux vidéo. Tout le monde me remarque et me parle, mais d'après mon expérience, les gens semblent beaucoup plus sensibilisés; je n'ai pas vécu de situations aussi déplaisantes dans cette industrie.
Comment votre carrière a-t-elle débuté, et qu'est-ce qui vous a menée chez Ubisoft?
OF : J'ai commencé ma carrière par un stage chez Cyanide Studio en tant qu'assistante à la gestion de projet. Ce qui était génial, c'est que mon superviseur était en congé de paternité, alors je gérais mon premier grand projet, Blood Bowl 2, presque seule. C'était une excellente occasion de prouver ce dont j'étais capable et de voir si j'aimais ce travail. Ils m'ont embauchée à temps plein à la fin du stage.
Six mois plus tard, trois employés de Cyanide ont décidé de se rendre à Bordeaux pour ouvrir une filiale du studio, et m'ont demandé si je voulais les accompagner. J'ai dit oui, et j'ai donc participé à la création de Big Bad Wolf, et j'ai travaillé sur The Council. C'était une superbe expérience, mais c'était un peu difficile. Nous étions comme une entreprise naissante. Il n'était pas facile de mettre en place des processus, et c'était un défi pour moi d'être chef de projet en sachant que j'étais la seule femme et la plus jeune employée de la filiale.
J'ai quitté Big Bad Wolf, et après un an de chômage, j'ai été embauchée par Asobo Studio. J'ai travaillé sur Rush, Disneyland Adventure et Zoo Tycoon. J'ai vraiment adoré cet endroit, les gens étaient géniaux et les projets m'intéressaient vraiment. Mais ça demandait vraiment beaucoup de temps. Quand Ubisoft a ouvert un studio à Bordeaux, j'ai sauté sur l'occasion et j'ai postulé en tant que coordonnatrice de projet.
Qu'est-ce qui vous attirait chez Ubisoft Bordeaux?
OF : Je suis vraiment une grande fan des jeux Ubisoft. J'adore Just Dance, Assassin's Creed, Rayman, Anno et Far Cry. Je voulais aussi vraiment travailler sur des projets plus importants que ceux que j'avais déjà réalisés.
Sur quoi le studio travaille-t-il?
OF : Le studio travaille principalement sur les jeux Ghost Recon, mais nous prêtons aussi main-forte aux franchises Beyond Good and Evil 2 et Just Dance. Nous avons également une équipe mobile et une équipe Harbour qui travaille sur les systèmes en ligne d'Ubisoft. J'ai été engagée pour travailler sur Ghost Recon Wildlands et sur son contenu après le lancement, puis j'ai travaillé sur Ghost Recon Breakpoint.
Quel aspect de votre travail préférez-vous?
OF : Ce que je préfère, c'est résoudre des problèmes. J'aime quand quelqu'un vient me présenter son problème et que je suis capable de l'aider. J'aime aussi beaucoup les séances de jeu avec l'équipe, parce que c'est le moment où nous pouvons vraiment apprécier tout le travail que nous avons accompli.
Quelles sont les qualités et les compétences essentielles à votre travail?
OF : Il faut être vraiment bien organisé, car en tant que coordonnateur de projet, on doit s'occuper de nombreux projets différents en même temps, et il ne faut rien oublier. Il faut également avoir des compétences interpersonnelles, comme être patient et savoir adapter sa façon de parler en fonction des personnes avec qui on communique. J'essaie également d'être aussi joyeuse et positive que possible, pour motiver l'équipe.
Quelles sont vos expériences et votre relation avec les jeux vidéo?
OF : Ça a commencé très jeune, puisque j'ai une grande sœur. Ma première console était une Atari ST, j'ai beaucoup joué à Shufflepuck Café sur cette plateforme. Je pense que ma véritable aventure avec les jeux vidéo a débuté avec la Nintendo 64 et la Game Boy Color. J'adorais Mario 64 et Pokémon Rouge/Bleu, qui est encore le jeu que je préfère entre tous. À part cela, je joue à tous les types de jeux : Les Sims, Assassin's Creed, Death Stranding, Tomb Raider, League of Legends, Guild Wars et beaucoup d'autres.
Qu'aimeriez-vous dire aux joueurs concernant le développement des jeux vidéo?
OF : Je dirais qu'il y a une grande différence entre jouer à un jeu et développer un jeu. On ne peut pas toujours décider sur quel jeu on travaille, il faut donc voir les choses du point de vue du joueur et pas seulement de son propre point de vue. Il est parfois difficile de se contenter de jouer et de ne pas remarquer tous les détails lorsqu'on sait comment les choses fonctionnent en coulisses. Mais on peut quand même s'amuser et apprécier les jeux, du moins c'est le cas pour moi : je peux encore jouer sans essayer de repérer tous les détails que les développeurs ont inclus dans le jeu.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui veut faire ce que vous faites?
OF : Allez-y, foncez! C'est certainement la meilleure décision que j'ai prise dans ma vie! J'aime vraiment mon travail au quotidien, et même quand c'est difficile, j'ai toujours l'énergie pour passer du temps avec mes amis et discuter de jeux vidéo avec eux.
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