Le mois d'avril est le mois du patrimoine arabe, un mois qui salue et rend hommage aux peuples ainsi qu'à la culture du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA). L'un des groupes-ressources d'employés (GRE) les plus récents d'Ubisoft, Salaam, est à la tête des célébrations de ce mois-ci. Comme les GRE B.E.A.U. (Black Employees At Ubisoft), Women and Non-binary Employees at Ubisoft, et Neurodiverse Employees at Ubisoft, Salaam est entièrement dirigé et organisé par les employés. Pour en savoir plus, nous avons discuté avec le dirigeant de Salaam, Kareem El-Baradie.
Parlez-nous un peu du GRE Salaam. Comment est-ce que tout a commencé ? Quels en sont les objectifs ?
Kareem El-Baradie : Salaam est un groupe-ressource d'employés qui vise à renforcer l'autonomie des personnes d'identité moyen-orientale et nord-africaine dans l'industrie du jeu vidéo. Nous espérons y parvenir en encourageant le développement et la réussite des employés, mais aussi en soutenant les initiatives en interne avec les employés et les partenaires au sein d'Ubisoft. Le plus grand objectif est, selon moi, d'accroître les connaissances culturelles de l'industrie du jeu vidéo en ce qui concerne l'identité de la région MENA, afin que nous puissions jouer un rôle plus important dans les jeux vidéo.
Au départ, nous étions le GRE South Asian and Middle Eastern (SAME, 'Asie du Sud et du Moyen-Orient) et nous étions basés à Toronto. Lorsque l'équipe D&I a commencé à se développer, nous sommes devenus un GRE mondial. Nous avons réalisé que notre GRE se recoupait avec le GRE API (Asian & Pacific Islander), qui englobe également les communautés d'Asie du Sud. Dès lors, nous avons discuté avec eux de la meilleure façon de progresser. Nous avons estimé que les problèmes auxquels nos communautés étaient confrontées étaient différents et que nos objectifs étaient uniques. C'est pourquoi nous avons décidé de nous concentrer principalement sur les identités nord-africaines et moyen-orientales auxquelles Amelie Hussein [co-responsable] et moi-même nous identifions. Nous pensions qu'il était préférable de nous concentrer sur cette région. C'est ainsi que le GRE Salaam a vu le jour.
Pourquoi avez-vous eu envie de vous lancer dans cette aventure et d'en prendre la tête ?
KE : Cela me tenait à cœur pour deux raisons. La première raison est, qu'aux États-Unis en particulier, les personnes originaires du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ne sont même pas prises en compte dans les statistiques concernant les défis auxquels les minorités sont confrontées. C'est ce qui m'a poussé à agir : Le fait de ne même pas être considérés comme une minorité nous donnait le sentiment d'être différents, comme si nous n'étions pas américains. C'est vraiment l'une des raisons pour lesquelles j'ai voulu agir et faire connaître nos difficultés, car, bien sûr, les peuples du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ont été victimes d'une grande xénophobie, surtout au cours des 20 dernières années. Ces problématiques sont réelles et affectent les populations.
Ce phénomène s'étend aux jeux vidéo, dans lesquels nous avons tendance à être les personnes sur lesquelles on tire, plutôt que celles qui tiennent l'arme. L'industrie fait des efforts pour améliorer la situation. Elle développe des protagonistes d'origine arabe, mais la représentation de l'environnement ou d'autres éléments continuent de véhiculer le stéréotype d'un pays désertique déchiré par la guerre, sans faire de distinction entre les cultures du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud. Plus nous serons nombreux à occuper des postes à responsabilité et à contribuer aux jeux que nous créons, plus nous serons en mesure d'œuvrer pour représenter nos cultures de manière plus approfondie et plus complète.
Je pense que les Occidentaux connaissent peu la culture du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, sa profondeur et sa richesse. Ma sœur est au lycée et elle arrive encore à faire croire à ses amis que nos cousins se promènent à dos de chameau (rires). Si cette conversation a encore lieu d'être alors que l'on a accès à Internet, c'est qu'il y a encore beaucoup à faire. Je pense qu'Internet a vraiment permis de rapprocher tout le monde, mais notre travail est de nous assurer que les histoires ne sont pas déformées et que le public les comprend.
Quels types de programmes sont proposés aux membres ?
KE : Étant donné que nous sommes un GRE récent, nous commençons à peine à mettre des choses en place, pour être tout à fait honnête. Nous nous concentrons sur le développement de la communauté, en constituant un réseau et en tissant des liens au sein du GRE. Cela concerne également la structure du groupe. Nous sommes encore en train de définir les objectifs individuels et ce que nous voulons réaliser en tant que groupe. Nous avons des objectifs et des projets en tête, mais nous voulons que la communauté en soit le moteur.
Les principaux piliers de tout GRE sont la communauté, la culture et la carrière professionnelle. Nous nous penchons sur chaque pilier et espérons développer un programme de mentorat afin d'améliorer l'accès à certains postes. Nous voulons aider les membres à atteindre leurs objectifs professionnels et nous faire entendre dans l'industrie du jeu vidéo. En ce qui concerne notre communauté, l'objectif actuel est de créer un réseau pour nouer des liens. Nous sommes nombreux, mais nous ne nous connaissons pas ! Dans notre vie professionnelle quotidienne, lorsque nous interagissons avec des personnes issues de milieux différents des nôtres, nous avons tendance à moins réfléchir à notre propre culture. Je pense donc que le fait de nous réunir nous permet à tous d'être fiers et plus ouverts sur nos expériences et notre culture. Enfin, en ce qui concerne la culture, j'aimerais que nous puissions soutenir les équipes D&I ou RH dans leurs actions en matière de besoins professionnels, comme la mise en place d'espaces dédiés ou la modification des horaires de travail pour répondre à des besoins religieux ou culturels.
Selon vous, pourquoi les GRE sont-ils si importants ?
KE : Je pense que c'est parce que nous savons maintenant à quel point la diversité et l'inclusion sont importantes dans les entreprises, et en particulier dans les jeux vidéo. En ce qui me concerne, j'y réfléchis vraiment du point de vue des jeux vidéo : C'est la forme la plus immersive de narration. Je pense que nous sommes tous ici parce que nous aimons les jeux vidéo. Nous nous sentons tous proches de ces histoires et nous sommes attachés à ces personnes, ces personnages, ces lieux. Je pense donc que, pour faire notre travail au mieux, nous devons vraiment représenter ces communautés. Les jeux vidéo s'adressent à un public international, nous devons donc nous assurer que nous en représentons correctement tous les aspects. Pour cela, nous donnons une voix aux personnes qui ont vécu ces expériences afin qu'elles puissent les partager, les mettre au premier plan et permettre aux autres de se baser sur ces témoignages plutôt que sur des stéréotypes. Je pense qu'en fin de compte, les produits n'en sont que meilleurs. Quant à faire d'une entreprise un environnement dans lequel les employés se sentent en sécurité et dans lequel leur voix est entendue, il est difficile de s'exprimer si vous avez l'impression que vos interlocuteurs ne vous comprennent pas. C'est pourquoi nous voulons construire un lieu où nous nous connaissons mieux les uns les autres et où nous comprenons nos origines. Je pense que c'est aussi l'un des rôles des GRE.
Comment faites-vous pour sensibiliser et informer les gens ? Comment abordez-vous le fait que tous les habitants du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord sont différents ?
KE : C'est difficile. J'y réfléchis souvent et je me demande si les publications internes sont suffisantes. C'est ce que nous ferons dans un premier temps. Je pense que c'est un bon début, juste pour se faire la main et partager les diverses expériences des équipes. Ce mois-ci, c'est le mois du patrimoine arabe, qu'Ubisoft célèbre, et c'est génial. Et lors de cet événement, nous espérons partager des expériences personnelles, par exemple "Que signifie le ramadan pour vous ?" Comment cela dépasse-t-il la religion et se traduit-il dans des expériences communautaires et culturelles ?
Je pense que c'est quelque chose de très important à partager. C'est à travers les expériences personnelles que les gens se rapprochent. Je pense que le fait de mieux comprendre donne envie d'en savoir plus. Notre espoir est de parvenir à accomplir quelque chose de similaire au GRE B.E.A.U. (Black Employees At Ubisoft), qui a fait un travail incroyable dont nous nous inspirons.
Pourquoi rejoindre le GRE Salaam ?
KE : Je veux préciser quelque chose : Nous ne nous adressons pas à un groupe spécifique de la région MENA, mais à tout le monde. Quelle que soit votre foi, quelle que soit votre origine, si vous ressentez une affinité avec ces cultures, vous êtes les bienvenus, alors rejoignez-nous ! Nous avons choisi le nom Salaam parce que c'est une façon de saluer. Lorsque vous rencontrez quelqu'un, vous dites "as-salamu alaikum" qui signifie "que la paix soit avec vous". C'est quelque chose qui nous tient à cœur. Nous voulons être ouverts, nous voulons être accueillants, nous voulons que chacun se sente inclus.
Notre objectif est de soutenir et de donner les moyens d'agir. S'il y a quelque chose que les employés recherchent, quelque chose qu'ils souhaitent ou dont ils ont besoin pour s'exprimer, nous sommes là pour ça. Nous ferons tout notre possible pour les accompagner dans tous leurs objectifs.
Quel type de soutien Ubisoft a-t-il apporté à Salaam ?
KE : Lorsque nous avons commencé, nous nous sommes retrouvés face à une tâche titanesque et nous nous sommes demandé par où commencer. Est-ce qu'on organise des événements ? Est-ce qu'on commence à définir une feuille de route sur cinq ans ?" Et c'est super, car Ubisoft nous a fourni un cadre et une structure clairs. L'entreprise nous a également soulagés d'un poids. Ils nous ont dit : "Concentrez-vous sur la construction de votre communauté."
Sachant que vous n'êtes qu'au début de l'aventure, y a-t-il quelque chose que vous avez hâte de faire à l'avenir ? Quelque chose que vous aimeriez accomplir ?
KE : Oui, bien sûr. Je prends exemple sur les GRE B.E.A.U. et Women and Non-binary. L'objectif est d'avoir plus de comités pour se pencher à la fois sur ce qu'il se passe en interne et en externe dans l'industrie tout entière, pour obtenir davantage de visibilité, et peut-être mettre en place un ensemble de comités et de conférences. Ce serait formidable de pouvoir communiquer avec la communauté de cette manière à travers tous les studios.
Avez-vous des conseils à donner à quelqu'un qui souhaite créer son propre GRE ?
KE : Je pense que l'essentiel, c'est de se concentrer sur ses valeurs. C'est ce qui me fait avancer dans la vie. Définissez vos valeurs et développez-vous autour d'elles. Ensuite, décidez ce que vous espérez accomplir. Ne voyez pas trop grand au début. Allez-y doucement, commencez à construire une communauté fondée sur ces valeurs. Assurez-vous que chaque nouveau membre apporte sa pierre à l'édifice, ses propres valeurs, ses attentes, ce avec quoi il ou elle se sent à l'aise. Parce qu'en fin de compte, c'est ça une communauté.
Pour en savoir plus sur les GRE chez Ubisoft, consultez cet entretien avec les responsables des GRE Neurodiversity ERG, B.E.A.U.(Black Employees at Ubisoft), et Women and Non-binary.