Étendre le Clancyverse : comment les personnages de Tom Clancy évoluent à travers les jeux, les marques et au-delà

Les jeux Tom Clancy sont marqués par des concepts forts – gameplay tactique, danger immédiat, technologies d'anticipation – mais c'est peut-être encore par leurs personnages qu'ils se définissent le mieux. Prenez par exemple Splinter Cell : à sa sortie en 2002, il était révolutionnaire grâce à ses mécaniques de furtivité ainsi que son rendu des ombres et des éclairages, mais on retiendra surtout Sam Fisher, l'agent secret taciturne aux emblématiques jumelles vertes. Et si le succès de Rainbow Six Siege est attribuable à son gameplay JcJ haletant, il est aussi dû en bonne partie à sa liste toujours plus étoffée d'agents charismatiques, mémorables par leurs antécédents, leurs personnalités et leurs styles de jeu variés. 

De même que les univers des jeux Tom Clancy se sont enrichis – sous forme de nouveaux jeux mais aussi de romans, de BD et de séries télévisées –, leurs personnages ont aussi évolué au-delà de leurs origines. Sam Fisher a fait une apparition au détour d'une mission spéciale en Bolivie puis sur Auroa dans les jeux Ghost Recon, de même que plusieurs agents Rainbow Six dont Ash, Finka et Caveira. Depuis 2020, Rainbow Six Siege lui-même compte Sam Fisher parmi ses agents, sous le nom de code Zero. Ce personnage est également illustré aux côtés de sa fille Sarah dans un roman de 2022, Splinter Cell: Firewall, adapté en série radio par la BBC. Une suite, Dragonfire, a été publiée plus tôt cette année.  

Les crossovers et histoires dérivées de ce genre permettent de présenter des personnages emblématiques sous un jour nouveau, tout en créant des liens qui approfondissent le Clancyverse. Ces projets mettent en avant l'expertise des développeurs et collaborateurs externes d'Ubisoft qui cherchent à étendre le Clancyverse en créant des personnages et des scénarios aussi uniques que diversifiés, tout en présentant une nouvelle facette des agents que nous croyions connaître.  

Aux quatre coins du monde avec Rainbow Six Siege 

Depuis sa sortie en 2015, Rainbow Six Siege n'a cessé d'accueillir de nouveaux agents, chacun caractérisé par sa provenance géographique, sa personnalité et ses enjeux narratifs potentiels. La création d'un nouvel agent commence par définir l'élément tactique qu'il apporte au jeu : un gadget qui lui donne un avantage et une spécificité de gameplay propres. À partir de là, l'équipe Univers de Siege trouve des antécédents en prise directe avec la technologie qu'utilise cet agent. Elle commence par définir une profession et une origine géographique, ainsi qu'une organisation militaire spécifique associée au pays choisi, et dégage à partir de là le restant de la biographie de l'agent. « On adore parcourir le monde », souligne Alex Karpazis, Creative Director sur Rainbow Six Siege. 

À ce stade, il peut être nécessaire de faire appel à des consultants pour mieux étoffer la biographie du personnage ou garantir la crédibilité de tous ses éléments. « Je pense notamment à Thunderbird, de la nation nakoda, ou encore à Osa, notre premier personnage transgenre », observe Alex. « Nous travaillons avec des consultants sur les questions de genre, de race et de culture, selon les besoins du projet et de la narration. Parfois, il nous arrive même de contacter des équipes d'Ubisoft d'autres pays pour recueillir leurs retours. »  

Pour mieux définir certains éléments biographiques de Kali, agent originaire d'Inde ajoutée en 2019, l'équipe Siege a par exemple contacté Ubisoft Pune, qui s'est servi du nom de naissance du personnage pour déterminer sa date de naissance en fonction de l'astrologie et des almanachs hindous. De même, l'équipe a contacté ses collègues au Japon pour Azami, agent tout en sophistication et en kunais, afin de lui donner corps et de décider du marketing autour de ce personnage. 

Évidemment, les détails des antécédents explorés ici influent sur le choix du comédien de doublage choisi. Osa, par exemple, est incarnée par Nicole Maines, actrice transgenre. L'équipe fait aussi appel à des coachs en dialecte en cas de besoin, dans la mesure où certaines biographies peuvent nécessiter des façons de s'exprimer particulières. « Le plus important, c'est l'authenticité », poursuit Alex. 

La création d'un agent prend environ six mois. Autrement dit, l'équipe doit devancer de plus de six mois les besoins du jeu et s'en tenir strictement aux dates butoirs définies, puisque chaque nouvelle saison s'accompagne d'un nouvel agent. Bien sûr, tout ne se déroule pas toujours comme prévu. « Thunderbird devait être notre premier agent capable de réparer et de rafistoler l'environnement, mais le prototype n'était pas prêt et il fallait sortir le personnage. Alors nous sommes passés au plan B et nous en avons fait une guérisseuse », se rappelle Alex. « Il a aussi fallu modifier ses antécédents pour coïncider avec ces nouvelles spécificités de gameplay. » Voilà comment la biographie de l'agent nakoda a fini par inclure une formation de secouriste et une période en tant que médecin dans l'armée de l'air canadienne, pour plus de cohérence avec son gadget de soin. 

Perspectives narratives : personnages et chronologie 

Plus de sept ans après sa sortie, Rainbow Six Siege comprend maintenant 65 agents, et ce n'est pas fini (l'équipe a officiellement déclaré vouloir porter ce nombre à 100 au total). La liste des personnages constitue une riche base narrative, notamment pour les bandes-annonces qui sont devenues de véritables mini-films. L'équipe a aussi ajouté de nouvelles escouades militaires, animées chacune de motivations propres, pour mieux répartir les agents en groupes. « Ces escouades sont un point clé de leur biographie, de leur identité », commente Alex. La plupart des agents correspondent également à des archétypes qui aident les joueurs à les caractériser. « Sam Fisher, c'est notre sergent instructeur de 65 ans qui rentre dans le lard des autres agents pour les aider à s'endurcir. Mira, c'est la spécialiste R&D de Rainbow, même chose pour Osa côté Nighthaven. Une fois ces rôles attribués, c'est plus facile de leur trouver une place dans les histoires que nous cherchons à créer. »

Les agents Siege peuvent ensuite vivre leurs propres aventures, évoluer et endosser de nouveaux rôles dans les événements crossover ou les nouveaux jeux tels que Rainbow Six Extraction, dont l'histoire a lieu dans une chronologie parallèle. De nombreux personnages phares de Tom Clancy apparaissent également dans des romans, BD et séries radio. Pour Étienne Bouvier, Senior Transmedia Content Manager, ces publications ne relèvent pas que du fan-service : ce sont des points d'entrée dans le Clancyverse. Cette diversité dans les médias utilisés est idéale tant pour revisiter des personnages connus que pour explorer de nouveaux environnements et pistes scénaristiques en conjonction avec ceux des jeux principaux. 

Pour travailler sur un nouveau projet transmédia – une histoire racontée à travers plusieurs formats différents –, l'une des priorités est de définir quand situer ce projet dans la chronologie de la série. Pour Étienne, les médias non interactifs comme les séries radio et les romans se prêtent mieux à une backstory ou un flashback, qui dans un jeu vidéo d'action auraient tendance à alourdir le rythme. Est-ce une préquelle ? Une suite ? Une histoire concomitante à un autre endroit de la planète ? Là où les jeux comme Rainbow Six Siege et Splinter Cell invitent à une narration qui fait la part belle aux personnages, puisque les agents y occupent une place centrale, une série comme The Division permet de raconter des histoires à différents endroits et différents moments. Ainsi, le shooter d'action-survie multijoueur The Division Heartland, disponible prochainement en free-to-play, se déroulera dans une communauté fictive de l'Amérique rurale, présentant de ce fait un point de vue nouveau par rapport aux deux premiers jeux qui se déroulaient à New York et à Washington, D.C.  

Hearts on Fire, l'audiobook Audible inspiré de l'univers The Division avec Katee Sackhoff dans le rôle principal, constitue une préquelle au premier jeu. Puisque celui-ci mettait en scène l'activation de la deuxième vague d'agents de la Division, c'était l'occasion idéale de revenir sur la première vague d'agents activés lors de la pandémie de Poison vert. « Nous repérons les vides scénaristiques qui ne seront pas comblés dans les jeux vidéo parce que le médium interactif ne leur rendrait pas justice », déclare Étienne.

De damoiselle en détresse à nouvelle recrue 

Tom Clancy's Splinter Cell: Firewall, écrit par James Swallow et édité par Aconyte Books (404 Éditions pour la version française), adopte une approche semblable. L'équipe d'Ubisoft a décidé de situer l'histoire en 2015 dans la chronologie officielle de la série, soit au lendemain de Splinter Cell: Blacklist et plusieurs années avant l'opération de Sam Fisher en Bolivie décrite dans un événement live de Ghost Recon Wildlands. À part la consigne de ne pas aller trop loin dans le temps, James Swallow a reçu quasiment carte blanche pour raconter son histoire.  

« La première idée était de présenter un nouvel agent féminin d'Echelon 4 et de donner à Sam un rôle de mentor », se rappelle l'auteur. « Pendant qu'il la forme, Sam est aussi en butte à l'hostilité de sa fille Sarah. Il se retrouve ainsi partagé entre sa "fille d'armes" et sa fille biologique. Je tenais à montrer que c'est un homme intègre, mais pas un très bon père. »  

Dans les retours et les workshops avec les équipes d'Ubisoft, il a été décidé de donner à Sarah plus de latitude et un plus grand rôle dans l'intrigue. M. Swallow a donc révisé en profondeur la trame scénaristique en faisant de Sarah elle-même la nouvelle recrue.  

« Ce nouveau scénario permettait de montrer l'impact des expériences négatives [vécues par Sarah] sur une personne », fait-il remarquer. « Elle ne devient pas une guerrière du jour au lendemain : c'est pour elle un processus de guérison, avec pour motivation principale d'aider les autres. » Le conflit intérieur de l'histoire découle du fait que ce qui l'aide est aussi ce qui lui a fait du mal à l'origine : le travail de Sam. 

Parmi ceux qui ont contribué à faire de Sarah Fisher un personnage de premier plan dans Firewall, on citera notamment Lauren Stone, qui est à présent Narrative Director sur The Division 2. Auparavant Narrative Specialist Tom Clancy chez Ubisoft, elle a accompagné deux douzaines de projets vidéoludiques et transmédia, avec chacun sa chronologie et ses personnages. Son but était non seulement de garantir leur cohérence et leur qualité, mais aussi que les nouveaux éléments apportés par une histoire soient assez solides pour être utilisés dans d'autres projets. 

« Lauren connaissait la direction que les personnages principaux empruntaient à l'échelle de la série, autant dire que c'était pour moi un filet de sécurité très utile », explique James Swallow. Lauren l'encourageait souvent à aller plus loin dans sa démarche quand il suggérait une idée nouvelle. « Les romans dérivés sont souvent perçus comme anecdotiques », affirme M. Swallow, « mais je n'ai jamais eu cette impression. Ils font tout autant partie du monde de Splinter Cell que tous les autres médias. » 

Par ailleurs, la passion de Lauren pour la pêche, le jardinage et le bricolage lui permettent parfois d'améliorer le réalisme d'un produit transmédia. « Elle a clairement les connaissances d'une fermière accomplie », ajoute Étienne Bouvier, qui a supervisé à ses côtés bon nombre de ces publications transmédia Tom Clancy. « Elle identifie pourquoi il ne serait pas logique que quelqu'un fasse pousser telle ou telle plante à tel endroit, ou le type de poissons qu'on pourrait pêcher dans un lieu donné. Ses connaissances pratiques sont un gage d'authenticité pour le côté survivalisme de ces scénarios. » 

James Swallow s'est aussi amusé à créer des liens avec d'autres jeux Tom Clancy, contribuant ainsi au tissu de références qui constitue la base du Clancyverse collectif. « Il y a une scène où Grim parle à Sam du recrutement de nouveaux agents Echelon 4 », se remémore-t-il. « Elle précise qu'elle ne peut pas faire appel au personnel de Rainbow ni de la Division, d'où sa décision de recruter Sarah. » 

Quant à Lauren Stone, son implication dans les jeux Tom Clancy remonte à son premier rôle chez Ubisoft, où elle écrivait les antécédents et les cinématiques des premiers personnages de Rainbow Six Siege avant même la sortie du jeu : elle complétait les fichiers du personnel, étoffait les biographies et repensait les phrases clés pour renforcer l'authenticité et la diversité des agents. À l'époque déjà, Lauren et son équipe posaient les jalons des relations et des traits de personnalité devenus indissociables du Clancyverse actuel et futur. 

Quelle suite pour le Clancyverse ? 

La liste toujours plus fournie d'agents Rainbow Six Siege représente autant d'occasions de mettre en scène des histoires et des tensions entre ses escouades militaires. L'Année 7 accueillera de nouveaux agents, dont une assaillante brésilienne nommée Brava ainsi que des agents de Suède, de Corée et du Portugal. Vous pourrez aussi retrouver une déclinaison inédite du gameplay Siege dans Rainbow Six Mobile. 

L'univers The Division s'enrichira quant à lui de deux nouveaux titres : le free-to-play The Division Heartland et le jeu mobile The Division Resurgence. Entre-temps, The Division 2 bénéficie toujours de nouveaux contenus réguliers, avec notamment la mise en ligne prochaine de la saison 11.

En 2022, pour le 20^e anniversaire de Splinter Cell, l'équipe de développement d'Ubisoft Toronto a partagé un aperçu de son travail sur le remake de Splinter Cell. Une série animée Splinter Cell est également en préparation chez Netflix. D'ici là, vous pouvez retrouver Sam dans le roman Splinter Cell: Firewall et sa suite Dragonfire éditée récemment, ou écouter la version audio produite en collaboration avec la BBC. 

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