Ubisoft Winnipeg a récemment nommé un nouveau directeur général, Michael Henderson, afin de diriger ses efforts dans le développement des technologies et outils employés par les équipes internationales d’Ubisoft afin de créer des univers immersifs et crédibles. Ce studio a été fondé en 2019 avec pour objectif d’appuyer plus de 40 studios Ubisoft réalisant des séries populaires telles qu’Assassin’s Creed, Watch Dogs et Far Cry. Nous nous sommes entretenus avec Michael pour en savoir plus à propos de son expérience en animation, de sa passion pour les histoires racontées par l’entremise de la technologie et de sa vision pour l’équipe de Winnipeg. Ah, et aussi à propos de son chien!
Parlez-nous un peu de votre parcours.
Michael Henderson: J’ai passé les vingt dernières années environ en animation cinématographique et en effets visuels, principalement pour les studios d’animation Disney et Dreamworks. Je suis entré chez Disney tout de suite après l’université et j’ai passé quelques années dans leur groupe des technologies fondamentales, à travailler sur leurs systèmes de production internes pour le pipeline d’animation. Au départ, mon équipe était chargée d’entamer la transition vers l’animation générée par ordinateur et d’intégrer les ordinateurs au pipeline dès le début d’un projet. Je souhaitais cependant travailler en production, alors je suis passé chez Dreamworks Animation, où j’ai rejoint l’équipe d’ingénierie de la production, celle qui se charge de concevoir les processus et les procédés de production.
J’ai gravi les échelons jusqu’à un poste de superviseur technique, puis je suis entré dans le monde du studio. J’ai alors voyagé autour de la planète dans des pays comme l’Inde et la Chine pour y fonder des studios internationaux, avant de revenir aux États-Unis pour un poste de cadre de production. Ce poste s’insérait dans la continuité de mes efforts visant à rapprocher les mondes de la production et de la technologie.
Ensuite, je suis venu m’installer à Winnipeg en décembre 2019. J’ai visité le studio et j’ai parlé à l’équipe, et ça m’a semblé l’endroit idéal pour moi, avec une équipe travaillant à la fois sur la production et la technologie et tentant de créer la synergie parfaite entre les deux disciplines. J’ai rejoint le studio en tant que directeur de la technologie, et cette année je suis passé au titre de directeur général.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de transitionner de l’animation cinématographique et des effets visuels vers le jeu vidéo?
MH: J’ai quelques raisons. D’abord, j’ai travaillé dans une période de forte croissance pour les films d’animation; les décennies 1990 à 2010 ont été un second âge d’or pour l’industrie de l’animation, qui a vu ses films se hisser parmi les plus grands succès du box-office. C’était excitant de progresser à cette vitesse, de participer à cette évolution et de devoir surfer sur cette vague et réinventer nos technologies pour répondre à la demande. Je me suis demandé quelle industrie vivait ce genre de croissance en ce moment, et celle du jeu vidéo est ressortie clairement. Chaque année, les gens jouent à de plus en plus de jeux. Les studios créent des produits incroyables qui auraient été impossibles il y a seulement quelques années, et je savais que c’était le genre de phénomène auquel je voulais contribuer. Ensuite, j’ai moi-même été joueur toute ma vie, donc c’est en quelque sorte un vieux rêve qui se réalise.
Est-ce qu’il y a beaucoup de parallèles entre votre carrière au cinéma et votre nouvel emploi?
MH: Il y a certainement des choses qui se ressemblent. Dans mes emplois précédents, ma priorité était de m’assurer que ces organisations aux buts et motivations souvent très différents soient capables de collaborer pour réaliser un film, et qu’elles permettent aux artistes de créer quelque chose de formidable. C’était ma motivation première et ma fierté : le fait de savoir qu’au final mon équipe et moi avions permis à toute une équipe d’artistes de réaliser un film exceptionnel. Ce n’est pas si différent de ce que nous faisons à Winnipeg. Notre mission est de repousser les limites de l’innovation technologique afin de permettre à nos créateurs de jeux de concevoir des jeux encore plus époustouflants, et ce genre de mission correspond exactement à ce qui me motive et me passionne.
Quel est le rôle de l’équipe de Winnipeg au sein d’Ubisoft?
MH: C’est justement ce qui m’a amené ici à Winnipeg. J’avais une grosse décision à prendre pour mon avenir. J’ai visité toutes les entreprises technologiques, sur toute la planète, et j’ai atterri ici parce que notre mission est de créer les technologies nécessaires aux productions d’Ubisoft. Ce qui différencie notre studio est que nous collaborons directement avec les équipes de différentes productions et travaillons à leur rythme. Nous voulons créer les technologies les plus utiles et révolutionnaires possibles, mais aussi être en mesure de livrer ces technologies à une échelle permettant aux studios de les utiliser pour réaliser leurs jeux. J’adore la cadence de la production et un environnement de travail axé sur les échéances, et j’adore le fait que notre studio de Winnipeg est engagé à travailler à ce rythme en tant que studio technologique. Je pense que c’est ce qui nous distingue.
Que diriez-vous à quelqu’un qui n’a pas d’antécédents dans le domaine du jeu vidéo et qui n’y voit pas de débouchés pour sa carrière?
MH: Pour moi, ça rejoint les similitudes entre les effets visuels et les jeux vidéo. Beaucoup de gens seraient surpris de voir à quel point les problèmes à résoudre se ressemblent dans les deux industries. Les produits sont très différents, mais le processus de production, les défis technologiques et l’expérience de travail dans un studio de production sont très proches.
Évidemment, il y a des différences. Par exemple, au cinéma, nous visions à compléter une image tous les deux jours, mais le temps passé sur une image n’avait presque pas d’importance à condition d’arriver au résultat voulu. Pour un jeu vidéo, on tourne à 60 images par seconde, donc certaines de nos technologies vont bien au-delà de ce qui est nécessaire au cinéma. Les technologues peuvent voir cette différence comme un défi supplémentaire. De nos jours, les visuels des jeux sont phénoménaux – souvent presque réalistes – et il faut les produire de plus en plus vite.
À Winnipeg, nous recrutons beaucoup de gens issus des technologies du Web, et nous obtenons beaucoup de succès avec les spécialistes de ce milieu. La production de jeux vidéo s’attaque à des défis technologiques complexes, mais aussi à des défis artistiques et créatifs de taille. Pour les programmeurs, si vous avez résolu ce genre de problème en créant des applications ou des sites Web, ces mêmes aptitudes de résolution de problèmes s’appliquent très bien à notre travail. Il faut avoir confiance et se dire que même si percer dans cette industrie peut paraître intimidant, le jeu en vaut la chandelle, et plusieurs de vos connaissances et compétences acquises vous serviront ici.
Quelles sont les qualités et l’expertise qu’un directeur général doit posséder pour bien servir un studio axé avant tout sur la technologie?
MH: Évidemment, une expérience préalable dans le milieu technologique est appréciable. Elle vous aidera à participer aux réunions en sachant de quoi vos experts parlent exactement. Mais le plus important, je crois, c’est de savoir entretenir ses relations. Ce studio est bâti sur la collaboration avec d’autres studios, et la capacité de maintenir une collaboration saine et positive avec des équipes de production et d’autres studios est une composante intégrante de mon poste.
Quelles sont vos ambitions pour le studio en tant que directeur général?
MH: Je pense surtout à notre croissance. Nous sommes un petit studio, encore jeune, ce qui implique de nombreux avantages. Nous pouvons nous adapter avec agilité. Nous pouvons incorporer de nouveaux éléments positifs à notre culture plus facilement qu’une plus grande organisation, je dirais. Mais d’un autre côté, nous avons un plan de croissance très ambitieux, et j’ai hâte d’aller de l’avant sur ce plan. Mon autre ambition, évidemment, c’est notre technologie. Notre studio repose sur le concept de l’innovation, et je veux que nous soyons toujours tournés vers l’avenir, sur les prochaines avancées technologiques, et que nous trouvions les moyens de les réaliser et de les utiliser dans nos productions.
L’un des buts du studio de Winnipeg à son ouverture était de donner aux autres équipes Ubisoft les outils nécessaires à la création de jeux meilleurs. Comment faites-vous pour y parvenir?
MH: Il y a trois aspects. Vous voyez, dans nos partenariats avec les autres studios, nous avons pour mission de résoudre quelques-uns de leurs plus grands défis techniques. Ils ont un besoin créatif qui dépend d’une technologie qui n’existe pas encore, et nous leur fournissons cette technologie. Mais ce n’est pas notre seule approche; nous avons aussi des équipes outils. Souvent, en production, il faudrait que tout soit fait mais ce n’est pas possible. Parfois, un projet doit mettre de côté des choses comme des outils que les artistes aimeraient utiliser, des procédés plus efficients ou la réalisation d’un contexte qui leur permette de travailler avec efficacité et efficience. Notre studio conçoit des outils qui aident à combler ces aspects lorsque les équipes internes n’ont pas le temps ou les ressources disponibles pour s’y consacrer. Nous avons des concepteurs de l’expérience utilisateur qui collaborent sur nos missions de codéveloppement afin de s’assurer que nous comprenons de quelle façon les artistes travaillent, afin qu’ils puissent vraiment utiliser efficacement ce que nous créons pour eux.
Comme je l’ai déjà dit, l’un de nos fondements est l’innovation. Pour certaines technologies, nous commençons à les développer avant même que qui que ce soit nous l’ait demandé. Nous avons des idées géniales; nous croyons en la génération d’idées à l’interne, et chacun de nos équipiers peut proposer ses idées novatrices. Celles-ci passent alors par un processus d’argumentaire, et si elles sont acceptées, nous investissons et travaillons à réaliser l’outil. Lorsqu’il est prêt, nous le présentons à différentes équipes de production en leur expliquant ce qu’il peut faire et comment il peut servir à leur projet en cours.
Quelle proportion de vos technologies et outils proviennent de vos propres idées, et combien découlent des besoins ou demandes des studios?
MH: Ces deux sources d’innovation sont extrêmement importantes pour nous. Pour nos missions de codéveloppement, lorsque nous travaillons avec des équipes de production actives, ce sont souvent les concepteurs qui viennent nous trouver pour que nous les aidions à résoudre leurs problèmes grâce à de nouvelles technologies. Mais tout aussi souvent, notre pipeline d’innovation réalise des solutions provenant de l’expertise de nos membres et nous les proposons à nos partenaires.
Est-ce qu’il y a des défis particuliers que vous rencontrez en travaillant avec tellement d’autres studios Ubisoft de par le monde?
MH: Un aspect que j’ai trouvé très intéressant, c’est qu’Ubisoft travaille sur un territoire extrêmement vaste avec une multitude de studios sur tous les continents, et s’en sort très bien. Quand j’étais chez Dreamworks, nous avions seulement une petite poignée de studios et nous avions beaucoup de mal à synchroniser toutes les équipes et à toujours avancer dans la même direction. Quand je suis arrivé chez Ubisoft et que j’ai découvert qu’il y avait une cinquantaine de studios, je me suis dit que ce serait impossible. Mais ça a été fascinant de voir comment Ubisoft fonctionne.
Je pense que c’est un défi unique pour chacun de nos studios, mais nous avons de nombreuses solutions brillantes à ce problème, avec des groupes de codéveloppement qui existent spécialement pour maintenir ces relations, tant pour les grandes productions que pour les différents studios. Il y a aussi un niveau étonnant de liberté de décision laissé à chaque studio. Chacun comprend la stratégie de la maison mère et a la liberté de prendre des décisions alignées sur cette stratégie. Toutes les stratégies employées sont impressionnantes, mais je pense que c’est toujours un défi pour nous et pour tous les studios axés davantage sur le codéveloppement et la collaboration.
Est-ce que les consoles de nouvelle génération ont permis de nouveaux développements intéressants? Est-ce que le changement a été drastique?
MH: En fin de compte, une nouvelle génération de consoles signifie d’abord plus de muscle : plus de puissance de traitement, plus de mémoire, un accès plus rapide au disque dur. Tous ces éléments sont déterminants dans la conception de jeux vidéo : ils permettent aux développeurs d’en faire plus, d’en montrer plus, d’obtenir un meilleur rendu, quelle que soit la manière dont ils choisissent d’exploiter ces ressources. En adoptant de meilleures technologies, nous avons la possibilité de créer des jeux qui d’une part sont encore plus impressionnants visuellement, mais qui offrent aussi une profondeur accrue et toujours plus de possibilités. En inventant de meilleurs outils et en fournissant de nouvelles technologies aux développeurs, nous poussons leur imagination à inventer de nouvelles expériences de jeu. Nous fabriquons les outils qui leur permettront de donner vie à ces expériences, et comme nous avons plus de matériel plus puissant à notre disposition de nos jours, les possibilités sont très stimulantes.
Pouvez-vous nous parler des nouveaux développements qui sont issus spécialement de la dernière génération de consoles, et de comment le studio de Winnipeg aide Ubisoft à rester à l’avant-garde en ce qui concerne les innovations ciblant ce nouveau matériel?
MH: Eh bien, nous travaillons actuellement sur un projet extrêmement ambitieux à plusieurs égards, et c’est un partenariat très excitant car les technologies sur lesquelles nous travaillons sont adaptées sur certains points à la nouvelle génération, mais même celle-ci n’est pas assez avancée pour les prendre en charge à elle seule. En travaillant sur ce genre de production, qui est encore une vision à très long terme, nous sommes en mesure de créer des technologies nécessitant des solutions comme une infrastructure dans le nuage, qui ne peuvent pas nécessairement être portées par une simple console ou un ordinateur. Nous repoussons donc réellement les limites de ce qui est possible, et nous travaillons déjà sur ce genre de chose pour des projets à très longue échéance, ce qui est très motivant.
Pour quelqu’un qui a passé beaucoup de temps dans des endroits comme l’Inde, Hawaï et la Californie, est-ce que votre déménagement à Winnipeg a été un changement important?
MH: Vous serez peut-être surpris si je vous dis que par-dessus tout, il fait plus froid ici! Mais j’adore Winnipeg. J’ai surtout vécu dans des régions chaudes et même cuisantes, mais l’herbe est toujours plus verte ailleurs, n’est-ce pas? Quand on a vécu dans des déserts toute sa vie, on se dit constamment que ce serait bien d’avoir des saisons différentes. J’ai maintenant vécu ici de l’été jusqu’à l’hiver et je suis très heureux. Je me plais bien dans un climat plus tempéré. Il a fait très froid dernièrement, et ce n’est peut-être pas idéal, mais le printemps va être super, et ça fait du bien de goûter ces changements de saison au lieu d’avoir les mêmes températures toute l’année.
Nous avons gardé la question la plus importante pour la fin : comment se débrouille votre chien avec ce déménagement?
MH: Il a dû s’adapter à certains éléments; je l’amène à la garderie pour chiens avant d’aller au bureau et je lui dis que c’est son travail à lui. Lui aussi doit travailler chaque jour. Mais il adore son emploi, alors pas de souci. Le temps froid n’a pas eu l’air de le déranger jusqu’à ce que le mercure chute vraiment il y a quelques semaines. Il est sorti et il est resté figé sur place. Mais il est fasciné par la neige. Il adore y creuser et se rouler dedans. Il n’a jamais connu ça à Hawaï.
Il s’appelle Samui, un nom qui provient d’un endroit que j’adorais fréquenter quand je vivais en Inde. C’est une petite île du golfe de Thaïlande, à quelques heures d’avion d’où je vivais, à Bangalore, alors je lui ai donné ce nom en mémoire de toutes ces fins de semaine de détente à la plage sur Samui, où j’oubliais le tumulte de la vie urbaine. C’est un globe-trotter lui aussi, et il m’a accompagné en Chine et à Hawaï.
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