Tout au long de l'année écoulée, Ubisoft a implémenté divers changements internes au niveau de la structure de l'entreprise et du personnel. Par exemple, nous avons décidé d'implémenter une plus grande souplesse quant aux méthodes de travail, Bio Jade Adam Granger et Fawzi Mesmar ont intégré l'équipe éditoriale, Raashi Sikka a pris ses fonctions de vice-présidente Diversité et Inclusion, et Anika Grant a été nommée directrice des ressources humaines.
Grant a rejoint Ubisoft en avril 2021 et œuvre depuis pour que tous les employés d'Ubisoft puissent être entendus, tandis que l'entreprise continue d'adopter de nouvelles mesures pour garantir un lieu de travail sûr, inclusif et respectueux. Alors que sa première année chez Ubisoft touche à sa fin, nous avons parlé avec Grant pour en apprendre davantage sur ce qui a déjà été mis en place et sur la direction que prend Ubisoft.
Comment êtes-vous arrivée à ce poste ? Pourquoi avez-vous voulu rejoindre Ubisoft à cette époque ?
Anika Grant : J'ai passé plus de 20 ans à travailler dans les RH au sein de différentes entreprises du secteur technologique. Je me suis concentrée sur la transformation et le changement, en particulier en ce qui concerne le personnel. Lorsqu'Ubisoft m'a contactée pour la première fois, le secteur et le poste me plaisaient vraiment, mais ce sont les conversations que j'ai pu avoir avec Yves et l'équipe de direction qui m'ont convaincue de rejoindre l'entreprise. Ce que j'ai ressenti au cours de ces discussions, c'est une culture forte, qui se concentre sur l'humain, une réelle volonté de comprendre ce qui s'est passé, ce qui n'a pas fonctionné, et comment faire en sorte que cela ne se reproduise plus.
J'ai eu beaucoup de discussions sur la diversité et l'inclusion au cours du processus, et Yves voulait vraiment apporter de nouveaux points de vue. C'est pourquoi il a engagé des personnes comme Raashi et moi, qui venaient de secteurs différents, qui avaient des expériences et des perspectives provenant d'autres pays et d'autres organisations. Mais, je me suis également rendu compte que, pour Yves et Ubisoft, le programme D&I ne se limitait pas à savoir comment rendre notre organisation plus inclusive. Il s'agissait aussi de rendre l'entreprise la plus accueillante possible pour les employés les plus talentueux et les plus diversifiés de l'industrie, et de réussir à transposer cela dans nos jeux. Je suis également ravie que le rôle de Raashi concerne autant notre personnel que le contenu de nos jeux.
Cela fait six mois qu'Ubisoft n'a pas fait le point sur les changements intervenus au sein de l'entreprise. Pourquoi avez-vous décidé de le faire maintenant ?
AG : Je pense qu'une énorme quantité de travail a été accomplie au cours des six derniers mois, en plus des changements importants qui ont été apportés et amorcés avant mon arrivée dans l'entreprise. J'ai rejoint l'entreprise en avril cette année et au début, j'ai passé beaucoup de temps à simplement écouter, rencontrer différentes personnes et comprendre les préoccupations ainsi que les besoins des équipes dans nos studios. Lorsque les restrictions de déplacement ont commencé à être levées, j'ai eu la chance de pouvoir sortir et faire plus de rencontres en personne. J'ai visité plusieurs de nos grands studios en France, j'ai pu aller au Canada pour rencontrer nos équipes à Montréal, Québec et Toronto, je suis allée au Royaume-Uni il y a quelques semaines et j'ai rendu visite à Massive la semaine dernière.
Le moment est venu de réfléchir à tout ce que j'ai pu entendre et de partager un peu ce que nous avons fait.
Qu'avez-vous accompli, vous et votre équipe, depuis avril, et qu'espérez-vous accomplir au cours de l'année prochaine ?
AG : Tout d'abord, j'ai passé beaucoup de temps à écouter et à apprendre, en rencontrant les équipes, mais aussi en analysant ce qui avait déjà été fait et ce qui était déjà en place. J'ai pris le temps de lire tous les résultats des enquêtes précédentes, de lire certains des retours de l'audit réalisé pour les RH l'année dernière, de rencontrer des directeurs généraux et des dirigeants, ainsi que différents groupes d'employés. À partir de là, j'ai travaillé avec l'équipe pour élaborer une feuille de route stratégique de changement pour les RH, qui s'articule autour de six piliers. C'est un programme assez ambitieux et le chemin sera long. Je pense qu'il faudra 18 à 24 mois pour que nous puissions complètement mettre en place tous ces changements.
Le premier pilier est la priorité. Il s'agit de s'assurer que notre lieu de travail soit sûr, inclusif et bienveillant, afin que chacun puisse exploiter pleinement son potentiel, être soi-même, faire des erreurs, prendre des risques et, en fin de compte, évoluer et donner le maximum chez Ubisoft.
Le deuxième concerne l'équipe des RH. Mon but est de créer une communauté RH chez Ubisoft et de rassembler cette communauté. Cela implique de trouver un moyen de développer les compétences de chacun par la formation, mais aussi en accueillant de nouveaux dirigeants de l'extérieur. Il s'agit également de s'assurer que nous disposons de la structure et du modèle opérationnel adéquats.
Le troisième élément consiste à examiner le parcours de l'employé : tous nos programmes de RH, de l'embauche à la gestion des performances en passant par la rémunération. Il faut les passer en revue pour comprendre où il est nécessaire de briser les préjugés afin d'offrir à chacun des possibilités de carrière justes, équitables et transparentes. C'est probablement cette partie qui nous prendra le plus de temps, mais nous allons, par exemple, commencer par apporter des changements dans la gestion des performances dès le début de l'année prochaine.
Le quatrième pilier concerne les managers. Ce sont les personnes qui ont le plus d'impact sur la vie quotidienne des employés. Nous devons donc nous assurer qu'elles disposent des bons outils ainsi que de la formation adéquate, et qu'elles sont en mesure d'offrir la meilleure expérience possible à leurs équipes chaque jour.
Après les managers viennent les dirigeants. Nous avons travaillé sur des programmes destinés aux dirigeants. Ces derniers leur offriront un accompagnement afin de devenir plus performants et plus polyvalents. Nous nous efforçons également de rendre la direction plus cohérente à travers l'ensemble de l'organisation.
Le dernier pilier est axé sur l'avenir. Par exemple, nous nous concentrons sur l'avenir du travail, que nous imaginons plus flexible, exploitant des méthodes hybrides et utilisant la technologie de manière différente. Nous devons continuer à nous préparer à l'avenir, afin de pouvoir continuer à fonctionner avec ces nouvelles méthodes de travail, mais aussi à attirer et à fidéliser les talents dont nous avons besoin.
Quel bilan faites-vous des changements qui ont été apportés ? Comment les employés peuvent-ils s'exprimer ?
AG : Tout d'abord, il est très important de s'assurer que les gens puissent s'exprimer. L'une des choses que j'ai remarqué lorsque j'ai rejoint l'équipe, c'est que, bien que nous disposions d'excellentes enquêtes en place depuis longtemps, nous devions passer au niveau supérieur. Nous avions d'excellents outils internes, mais étant donné la taille et la complexité de notre organisation, ils étaient devenus insuffisants. La semaine dernière, nous avons lancé un élément essentiel de notre nouvelle stratégie d'écoute, Ubisoft XP. Nous nous sommes associés à une société externe et à un expert dans ce domaine pour nous aider à élaborer une enquête de qualité, mais surtout pour nous assurer que nous disposons des meilleurs outils pour analyser le retour d'information, et pour comprendre et approfondir les différents avis. Cette nouvelle approche nous permettra également de transmettre rapidement ces informations à nos managers, nos dirigeants et nos responsables des ressources humaines. Nous pourrons ainsi tirer des enseignements de ce retour d'information et mettre en place des actions concrètes qui répondent à l'avis des collaborateurs et collaboratrices.
Raashi Sikka, qui a rejoint notre équipe un peu avant moi en tant que vice-présidente Diversité et inclusion, a constitué son équipe et a passé beaucoup de temps à structurer nos groupes-ressources d'employés (GRE). Nous avons maintenant sept GRE à travers le monde, avec de nombreuses sections locales sur différents sites. Et c'est un espace important, en particulier pour donner la parole à certains de nos groupes sous-représentés.
Au cours du mois dernier, j'ai rencontré les dirigeants de nos GRE. Yves [Guillemot] les a également rencontrés de son côté. Nous souhaitons rendre ces réunions régulières et établir un dialogue, afin de pouvoir apprendre, écouter et déterminer avec eux ce que nous devons améliorer.
Le code de conduite d'Ubisoft a été mis à jour cette année. Pourquoi a-t-il fallu le mettre à jour et quels types de changements ont-ils été apportés ?
AG : Le code de conduite d'une organisation est un pilier important. C'est une façon de clarifier nos attentes. Il s'agit de notre mode de fonctionnement au quotidien. C'est l'incarnation de ce que nous sommes en tant qu'entreprise : nos valeurs, nos principes de travail, la façon dont nous traitons les gens, la manière dont nous pouvons permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même chaque jour. L'ancien code de conduite était obsolète. Il était dépassé et incomplet. Compte tenu de l'incroyable croissance que nous avons connue au cours des dernières années, il n'était plus suffisant.
Nous avons pris exemple ailleurs pour créer un point de référence basé sur les bonnes pratiques d'autres entreprises. Nous avons veillé à ce que ces pratiques soient adaptées à notre activité, à notre culture et à notre personnel. Il faut que le code de conduite soit adapté aux employés d'Ubisoft, et nous avons eu besoin d'exemples et de conseils très clairs sur ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
Après son lancement en juillet de cette année, 98 % de nos employés l'ont lu et signé dans les deux semaines qui ont suivi, ce qui est un excellent résultat. Il s'agira d'un programme annuel, dans le cadre duquel nous encouragerons le personnel à réexaminer le code de conduite et à le signer à nouveau pour témoigner de notre engagement collectif à adopter une conduite exemplaire.
Certains employés, joueurs et joueuses ont exprimé des doutes sur l'engagement d'Ubisoft ou sur sa capacité à s'améliorer. Que doit faire Ubisoft pour regagner leur confiance ?
AG : Je pense que la confiance vient avant tout en étant vraiment à l'écoute des autres. Nous disposons de nombreux moyens pour permettre aux gens de donner leur avis, mais le retour d'information n'est utile que s'il est réellement pris en compte. Il faut donc véritablement écouter et engager le dialogue, afin de faire comprendre aux gens comment leur contribution influe sur notre stratégie et nos programmes.
La deuxième clé de la confiance est la transparence, l'ouverture. Parfois, cela signifie être ouverts au sujet de ce que nous aurions pu mieux faire. Il faut rester ouverts sur les domaines dans lesquels nous avons pu commettre des erreurs par le passé, les reconnaître, puis échanger sur la manière dont nous pouvons progresser. L'occasion nous est également donnée d'être plus transparents sur les progrès réalisés quant à certains de nos objectifs. Comme je l'ai dit, certains de ces objectifs prendront plusieurs années à atteindre. Il est donc essentiel d'être ouverts à ce sujet, de partager davantage sur le rythme et le progrès dans ces domaines. Si je prends l'exemple de nos objectifs en matière de parité, avons-nous atteint nos objectifs ? Non. Mais avons-nous fait des progrès ? Oui, absolument. Nous nous étions fixé comme objectif une proportion d'au moins 24 % de femmes dans nos équipes d'ici 2023. Nous avons dépassé cet objectif en août de cette année et, depuis le début de notre année fiscale (en avril dernier), près d'un tiers des nouvelles recrues sont des femmes.
Donc non, nous n'avons pas encore atteint notre objectif en termes de représentation, mais chaque jour, nous faisons des progrès concernant la parité au sein de notre personnel.
Et enfin, le dernier élément essentiel pour favoriser la confiance est la responsabilité. Il est selon moi essentiel que les employés puissent demander des comptes aux dirigeants. Et pour ce faire, nous devons être clairs sur la direction que nous voulons prendre et sur les objectifs que nous nous fixons, afin qu'il leur soit possible de nous demander des comptes sur l'avancée de ces derniers.
Lorsque vous voyez les chiffres relatifs à la parité s'améliorer, quels changements vous viennent à l'esprit ? Qu'est-ce qui a changé ?
AG : Nous avons fait beaucoup d'efforts dans ce sens, des efforts concrets et mesurables. On obtient ce qu'on mesure et, en fin de compte, l'amélioration de la diversité, en particulier dans un secteur comme le nôtre qui, comme nous le savons, est assez dominé par les hommes, ne se fera pas simplement parce qu'on en a envie ou en apportant son soutien. Ce n'est pas ça qui va faire avancer les choses.
Il faut une volonté de fer. Utiliser des données est le meilleur point de départ pour comprendre exactement ce qui doit être modifié dans le système. Prenons l'exemple du recrutement. Nous pouvons examiner les données et nous demander : "À quel moment les femmes abandonnent-elles (dans le processus global) ? Est-ce parce qu'elles n'ont tout simplement pas postulé auprès d'Ubisoft ? Dans ce cas avons-nous un problème de marque ? Est-ce parce qu'elles entament un processus de recrutement et ensuite abandonnent ? Dans ce cas, l'expérience de recrutement est-elle à l'origine du problème ? Ou est-ce parce qu'elles ne sont pas sélectionnées pour le poste ? Et dans ce cas, avons-nous un problème dans la façon dont nous évaluons et sélectionnons les candidats ?" Ce n'est qu'en analysant les données et en comprenant les possibles causes profondes que nous pouvons ensuite cibler nos actions pour obtenir des résultats.
Que fait Ubisoft pour attirer de nouveaux talents, mais aussi pour fidéliser ceux déjà présents ?
AG : C'est une excellente question. Je réfléchis beaucoup à la proposition de valeur de nos employés, c'est-à-dire aux raisons pour lesquelles les gens choisissent de venir chez Ubisoft et celles pour lesquelles ils y restent. Il faut qu'elle soit unique et qu'elle se distingue, surtout sur le marché incroyablement concurrentiel dans lequel nous évoluons. Selon moi, nous avons une proposition de valeur complètement unique, qui repose sur notre personnel. Dans tous les studios que j'ai visités, chaque fois que j'ai demandé : "Qu'est-ce qui rend Ubisoft spécial ?", la réponse a toujours été "les gens". Les personnes avec lesquelles nous travaillons, leur incroyable talent et leur passion.
Ensuite, il y a nos jeux. Nous avons d'incroyables marques et franchises AAA, parmi les meilleures et les plus connues du secteur. Les gens sont vraiment motivés par la possibilité de contribuer à la création de jeux susceptibles de devenir de grands succès.
Je crois également que chez Ubisoft, la créativité, l'innovation et les technologies de pointe font partie de notre ADN. Par exemple, nous avons le courage et la volonté d'investir dans la création de nouvelles technologies en interne, tout en sachant que cette tâche est très difficile, mais aussi incroyablement gratifiante, non seulement pour notre personnel, mais aussi pour nos joueurs et joueuses.
Un autre aspect de cette proposition de valeur est notre présence géographique. Il existe une multitude de possibilités pour nos équipes à travers le monde entier : apprendre de différentes cultures, travailler dans un environnement de codéveloppement et pouvoir bénéficier d'une mobilité interne.
Enfin, et c'est primordial dans le monde d'aujourd'hui, notre vision est fondée sur une mission essentielle : enrichir la vie de millions de personnes. Donner aux gens un objectif qui soit convaincant et qui ait du sens fait en grande partie la force de notre proposition de valeur.
Comment la pandémie a-t-elle changé la façon dont Ubisoft traite ses employés et leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée ?
AG : La COVID a imposé le télétravail à de nombreuses personnes dans le monde entier et nous a amené à repenser l'ensemble de notre modèle de travail. Au début de l'année, nous nous sommes rendu compte que cela ne serait pas temporaire. Il s'agit d'un véritable changement de paradigme auquel nous devons nous adapter.
Tout d'abord, nous avons pu passer à 100 % de télétravail incroyablement rapidement grâce aux efforts et à la résilience de nos équipes. Elles ont été fantastiques tout au long de cette période terriblement difficile. De plus, avec le recul, Ubisoft avait déjà un gros avantage dans ce domaine grâce à notre modèle de codéveloppement : les activités sont partagées entre différents studios à travers le monde. Ce modèle signifie que, d'une certaine manière, nous fonctionnons virtuellement et à distance depuis des années, répartissant avec succès le développement de jeux énormes et complexes.
Maintenant, nous pensons à l'avenir. Quelle proposition voulons-nous faire pour l'avenir du travail ? Nous savons très bien que le travail sera hybride à l'avenir. Certains postes nécessiteront encore de travailler sur place parce qu'ils font partie de l'infrastructure, tandis que d'autres peuvent être exercés à 100 % à distance. Mais la plupart de nos équipes travailleront de façon hybride.
C'est notre principe directeur, mais nous sommes conscients que nous devons également faire preuve de souplesse. Nous n'adopterons pas une approche unique, compte tenu du grand nombre de studios que nous possédons, de pays dans lesquels nous travaillons et de projets et jeux que nous réalisons. Nous avons vraiment donné à nos dirigeants locaux les moyens d'utiliser le cadre que nous avons créé et de trouver ce qui fonctionne le mieux dans le contexte particulier de leur marché, de leur studio, de leurs jeux.
Enfin, selon moi, cette période nous a également permis d'améliorer notre compréhension de l'importance de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Et nous devrons y faire attention dans notre démarche. Nous voulons offrir la souplesse nécessaire pour permettre aux employés de donner le meilleur d'eux-mêmes, mais aussi de vivre le mieux possible.
Pour en savoir plus sur les changements et l'avenir d'Ubisoft, n'hésitez pas à consulter notre rubrique d'actualités Inside Ubisoft.